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Nouvelle Zélande: l’exemple idéal de la nouvelle gestion moderne

mmSNCS-FSU2 avril 2009

Un témoignage d’un chercheur Néo Zélandais, dans un pays ou la compétition entre chercheurs avait été si bien organisée qu’on a pu dire qu’il était devenu plus facile de collaborer avec l’autre coté de l’océan qu’avec l’autre coté du couloir.


diffusé sur http://www.vickridge.eu/NZReforms/

Apprenons du malheur du pays des All Blacks

Si cela peut vous mobiliser un peu plus, sachez que la situation du CNRS en France aujourd’hui me rappelle clairement celle de la Nouvelle Zélande des années 80/90. Le démantèlement à terme du CNRS est plus que jamais envisagé : c’est la suite inéluctable de la création de l’ANR et de l’AERES. J’espère que la lecture de ce témoignage vous aidera à mesurer l’ampleur et l’étendu des dangers pour nous, et pour la recherche scientifique (ESPT et Universitaire) en France, des réformes dont la destruction du CNRS est une étape inévitable (avec comme premier acte, la formation des Instituts). C’est mon espoir que la lecture de ce témoignage vous conduira à agir – frontalement si nécessaire..

Si, surtout après les annonces de la Ministre (plein complément de disciplines au sein du CNRS, Directeurs des Instituts nommé par CNRS, et ventilation des instituts sous contrôle du CNRS), vous trouvez que la mort du CNRS est impensable, que la perte du statut de fonctionnaire des chercheurs et enseignant-chercheurs est impensable, que le licenciement économique de chercheurs publiant bien mais n’ayant pas assez de contrats de type ANR pour justifier leur salaire est impensable, qu’un conseil de direction d’un Institut Scientifique peut comporter ZERO chercheurs, ou même ex-chercheurs, alors je vous rappelle que de petit à petit, de proche en proche, l’impensable peut devenir pensable, envisageable, et enfin normalisable et actionnable.

En Nouvelle Zélande le DSIR (Department of Scientific and Industrial Research), a subi dans les années 90 le même traitement que celui subi par le CNRS en ce moment. Certes, comme cela est le cas pour le CNRS, l’organisme n’était pas parfait, mais ses imperfections ont servi de prétexte au démantèlement, à terme, avec la conversion de ses Divisions, après remaniement, en Instituts (CRI : Crown-owned Research Institute). Le remède était infiniment plus mauvais que la maladie. C’était une ‘réforme’ vivement souhaité depuis longue date par les néolibéraux. J’ai quitté la Nouvelle Zélande au moment de grandes réformes à l’intérieur du DSIR, en pensant que, après 4 ans de thèse en France, je retournerai dans une Nouvelle Zélande de nouveau stable et propice aux recherches en physique que je voulais mener. Or, ce n’était que le début des réformes … le DSIR était finalement dissous un peu moins d’un an après mon retour en Nouvelle Zélande : l’impensable était arrivé. Au moment de la dissolution, et de la création des Instituts, notre employeur est devenu l’Institut à la place du gouvernement : L’impensable était arrivé.

La Direction du DSIR a joué la carte de ‘soyons positifs, on ne peut pas arrêter ces réformes, alors travaillons pour les faire au mieux’. Il n’y eut pas de contestation frontale. Pauvres naïfs : ils ont pratiquement tous perdu leurs rangs (y compris ceux qui ont pu se caser convenablement au début dans les nouvelles structures) ou pris leur retraite (je vous signale que Catherine Bréchignac vient de fêter ses 62 ans …) dans les 5 années qui ont suivi. La seule manière d’y survivre de manière durable fut d’adhérer réellement et profondément aux reformes. Just paying lip service was not a viable long term survival strategy.

Graeme Coote, mon chef d’équipe en Nouvelle Zélande, était un chercheur d’une trés grande créativité, responsable de l’évolution du travail autour de l’accélérateur Van de Graaff de l’Institut de la physique nucléaire vers des applications multidisciplinaires de microanalyse par faisceaux d’ions, dans les années 70, et du développement, à l’Institut, de la datation 14C par spectrométrie de masse avec accélérateur de particules dans les années 80. En 1995, notre Institut, une société anonyme, n’a pas réalisé un bénéfice suffisant par rapport à l’investissement fait par l’actionnaire : le gouvernement. Il manquait 2 millions de dollars (car le bénéfice n’était que de 3 millions, alors que les financiers estimaient que 5 millions étaient nécessaires …). Pour augmenter la rentabilité de la société le PDG a décidé de virer les 20 chercheurs qui coutaient le plus cher (seniors …) et qui n’attiraient pas assez de contrats. Graeme a été licencié économiquement à l’âge de 60 ans, et est décédé d’une crise cardiaque 2 ans plus tard, après une période de stress intense : l’impensable était arrivé.

Depuis mon départ voila dix ans, les choses ont évoluées … j’ai constaté qu’actuellement le Conseil de direction de mon ancien institut (Geological and Nuclear Sciences : www.gns.cri.nz/who/directors.html) est constitué d’un avocat (Chairman), un économiste, un ‘research funding strategist’, un directeur marketing (accessoirement président du parti des travaillistes), un autre avocat, un ingénieur civil (anciennement Environmental Manager pour BP Oil New Zealand) et un PhD/MBA directeur générique (entre autres dans des banques, dans l’audiovisuel …). Ce Conseil de Direction, nommé directement par les ministres concernés, a les compétences, on le voit clairement, pour donner une direction scientifique stratégique en Géologie et Nucléaire à l’Institut … sans être gêné par des personnes connaissant la recherche en physique nucléaire ou en géologie : l’impensable est arrivé.

Personnellement j’ai eu la chance de pouvoir partir, mais bon nombre de mes collègues qui sont restés se plaignent encore gravement, 15 ans après. Les dégâts pour la science ont dépassé même mes propres prédictions pessimistes.

Venant du monde de la recherche, ou l’honnêteté, l’intégrité, la réflexion approfondi et le respect du point de vue de l’autre sont privilégiés devant les manœuvres tactiques, fumistes, calculatrices et cyniques, nous ne jouons pas dans la cour des grands politiciens. Nous allons être bouffés politiquement car nous sommes trop idéalistes, optimistes, et honnêtes pour emporter la bataille (et devront le rester – ce sont des valeurs sures à la longue), comme celle déjà perdue il y a 4 ans avec Sauvons La Recherche (on a cru à la concertation ….) mais face au rouleau-compresseur fou devant nous, il est maintenant important au moins de laisser une trace, et peut-être même remporter quelques batailles : je m’adhère entièrement au slogan du SNCS :

Nous ne sommes pas des victimes consentantes.

Jusqu’à maintenant le schéma depuis la création de l’ANR a suivi celui de la Nouvelle Zélande des années 80 suffisamment fidèlement pour que j’ai pu m’appuyer sur mes expériences là-bas pour prévoir avec une précision surprenante ce qui aller se passer en France. J’ai été relativement pessimiste, et à vrai dire un peu déçu par la manque de réactivité des chercheurs et des enseignants-chercheurs depuis les premiers ‘succès’ de SLR.

Mais la confrontation frontale dont j’ai été témoin au siège du CNRS lors du blocage du CA représente un départ significatif par rapport aux événements que j’ai vécus en Nouvelle Zélande. Si on veut s’écarter d’avantage du ‘chemin tracé’ à la néo zélandaise, cette contestation massive et forte, si durable, pourrait se révéler décisive.



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