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M. Sarkozy sur le plateau de Saclay(12/02/2010)

mmSNCS-FSU15 février 2010

Mr Sarkozy sur le plateau de Saclay


Mr Sarkozy à Supélec sur le Plateau de Saclay : une ambiguïté subsiste.

Gaston Collin, SNCS, LPS (laboratoire de physique du solide), CNRS et université Paris-Sud

L’AMBIGUÏTE

Quelle casquette portait donc Mr Sarkozy à Supélec lundi 11 janvier pour ses « Voeux
au monde de l’éducation et de la recherche
»* ? Président de la République ou chef de
campagne du parti majoritaire ? Il a en effet préalablement annoncé qu’il s’investissait
pleinement dans la campagne pour les élections régionales (enjeu national a-t-il précisé) et
tout particulièrement en Ile de France où candidate rien moins que Mme Pécresse sa ministre
en titre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Comme il n’a pas jugé bon de lever
cette ambiguïté fondamentale, nous nous en remettons au bon sens de chacun pour en
délibérer.

LES CHIFFRES

Dans ces conditions on ne peut qu’en rester aux faits et au texte de son discours.
Voyons d’abord les annonces les plus spectaculaires (en fait déjà connues) : on peut
raisonnablement se faire une idée approximative sur la nature des présents :
Mr Sarkozy nous dit : « Nous allons consacrer 7,7 milliards d’euros, pour doter en capital
(souligné par nous) 5 à 10 campus d’excellence. Parallèlement, il y aura aussi place pour des
projets de taille plus modeste, qui pourront faire valoir la qualité et la singularité de leurs
propositions.
»*

Alors calculons : les 7.7 milliards sont versés sous forme de capital (non consomptible) dans
des fondations dont seuls les intérêts seront disponibles. En Bons du Trésor (titres du Grand
Emprunt) et au mieux ces intérêts seront de l’ordre de 4%, soit donc 306 millions euros par
an. Mais à répartir sur 10 sites donc, en moyenne, de l’ordre de 31 millions euros par an et par
site. Bien entendu sur chaque campus cette somme mirobolante devra être répartie entre
grands domaines, qui à leur tour l’orienteront sur plusieurs projets, … C’est vertigineux !
C’est à se demander si certains dossiers, pourtant urgents, ne devront pas une nouvelle fois
être différés. Par contre la fiabilité du financement semble assurée puisque servi par le Service
de la Dette Publique pour le remboursement du Grand Emprunt, donc par les
impôts(supplémentaires). Ce qui constitue en conséquence une façon de garantie.

LES MISSIONS

« Mais dans le monde moderne, les applications de la science ont une valeur de
plus en plus forte pour le développement économique et la croissance. La France ne peut
se tenir en retrait de cette évolution, car il en va de sa capacité à rester une grande
puissance. Jusqu’à présent, en matière de recherche, la France avait cantonné les
universités dans un rôle subsidiaire
, alors que partout dans le monde, l’Université joue
un rôle central pour la recherche et les transferts de technologie vers l’industrie
… mettre les universités au coeur de la recherche et du processus de transferts de
technologie
est la condition pour maintenir notre indépendance économique et
développer notre potentiel de croissance
»* (les passages soulignés le sont par nous).

On est en droit de s’interroger sur la mission que Mr Sarkozy entend assigner à la
recherche universitaire. Ceux qui estiment que le lien Enseignement-Recherche est constitutif
de l’Enseignement Supérieur sont probablement les mêmes qui véhiculent « les présupposées
idéologiques qui ont fait tant de mal à l’université française
»*

En clair, sans en être le moins du monde responsable, nous savons les difficultés de
trésorerie actuelles. Doit-on donc traduire tout ce beau discours par : priorité aux transferts de
technologie ? Pour le reste, nous savons ce qu’il en coûte de n’être pas prioritaire (ou plutôt ce
qu’il n’en coûte pas). C’est pour le moins un virage brutal dont on n’est pas assurés qu’il
convienne pleinement à notre Communauté qui attache toujours une certaine importance au
développement des connaissances (présupposé idéologique ?).

LA CONSIDERATION

« Nos universités souffraient d’une indigence constatée par tous, j’ai employé un
mot fort mais je le pense, d’une indigence : des bâtiments mal entretenus, des capacités
d’accueil insuffisantes, des équipements absents, des bibliothèques trop peu accessibles,
et des conditions de vie misérables pour un trop grand nombre d’étudiants.
»* Bravo, ça
c’est envoyé ! Mais à qui ? Mettre en regard le plan de ‘sauvetage des banques’, spontané,
enthousiaste, chaleureux et immédiat, avec cette ‘indigence’ est peut-être du plus mauvais
goût mais établit néanmoins là où sont les vraies urgences. En fait Mr Sarkozy s’envoie cette
diatribe à lui-même.

Par contre les compliments ne manquent pas : on a déjà évoqué « les présupposées
idéologiques
»*, ajoutons-y « les craintes de toutes sortes, qui vous paralysaient »*, « le
manque de réformes, différées depuis des années, qui sclérosait progressivement
l’université et la recherche françaises
»*, travaillant dans des « institutions, jusqu’ici
beaucoup trop repliées sur elles-mêmes
»* et autre «contrainte paralysante »*. Donc nous
sommes des sclérosés, des paralysés, des repliés que la thaumaturgie** sarkozienne va rendre
à une pleine et vigoureuse santé. Décidemment, même quand il fait des efforts pour tenter de
brosser dans le sens du poil un auditoire trié sur le volet, le naturel revient au galop. Et,
franchement, cette morgue, ce mépris, cette suffisance finissent par être quelque peu irritants.
C’est vrai que nous avons besoin de crédits, de postes, de bâtiments, de matériel, mais nous
revendiquons également de ne pas être systématiquement montrés du doigt et même d’être
considérés pour ce que nous sommes. Nous ne sommes pas responsables du gâchis, et nous,
nous n’avons en rien démérité.

LES GRANDES ECOLES

Relevons une légère contradiction : on dit souhaiter d’une part « Le rapprochement
des universités et des grandes écoles
»* mais par ailleurs on ajoute « Tout étudiant qui
désire se former dans les meilleurs établissements, suivre les meilleures formations, et
qui en a le potentiel, doit pouvoir y trouver sa place. Nous sommes fiers de nos grandes
écoles. Elles sont le fleuron de notre système éducatif et forment, pour certaines depuis
plus de deux cents ans, une grande partie des élites de notre pays.
»*

Donc à côté de l’Université dont on vient de voir tout le bien qu’on en pensait, on
désigne en contrepoint là où sont les ‘meilleurs établissements’, les ‘meilleures formations’,
‘le fleuron de notre système éducatif’ … Aux uns la ‘techno’ aux autres la ‘formation des
élites’.

Là encore on peut craindre que la démarche choisie pour ce rapprochement des
universités et des grandes écoles, souhaitable et souhaité, soit le choix délibéré de creuser
encore l’écart. Et les postures avantageuses sur «Les grandes écoles, c’est pour tout le
monde »* peuvent au plus ravir certains médias complaisants mais peuvent également
masquer une orientation ségrégative encore accentuée.

LE PLATEAU DE SACLAY

« Désormais les synergies entre établissements seront organisées, pour faire du
plateau de Saclay un campus de rang mondial, à la hauteur de nos ambitions pour le
Grand Paris. Ce sera possible grâce au grand emprunt puisque nous allons consacrer,
ici, directement un milliard d’euros à l’opération du plateau de Saclay, sans compter les
850 millions de l’opération campus
»*

Etait-il vraiment nécessaire d’affronter les périls de la route et l’inclémence du climat
pour redire ce qui avait déjà été abondamment annoncé ? Pour le contenu renvoyons le lecteur
au chapitre plus haut ‘LES CHIFFRES‘. Ce sont les mêmes calculs sur moins de 2 milliards
en place des 7.7 précédents : aucune difficulté !

Par contre Mr Sarkozy ne nous a guère éclairé sur un point qui fait fort débat : quand et dans
quelles conditions escompte-t-il consulter les acteurs concernés et intéressés par le problème ?
Ou alors tient-t-il que nous ne sommes pas suffisamment estimables pour qu’on nous
sollicite ? La gouvernance du projet ne nous semble pourtant pas disposer de la compétence
nécessaire pour mener à bien une entreprise de cette envergure. Nous n’avons pas relevé de
pertinence particulière concernant ceux qu’on a bombardé (ou qui se sont bombardés ?) à la
‘direction’ du projet.

Ce que nous ne comprenons pas clairement est pourquoi avoir fait ce choix, difficilement
justifiable, alors que dans l’Université toutes les compétences et les savoirs nécessaires sont
réunis ? Tient-on tellement au projet ou fait-on en sorte qu’il s’enlise et finalement échoue ?
Dommage que Mr Sarkozy n’ait pas cru bon de répondre à cette interrogation. Et pourtant
nous sommes d’accord avec lui : «je vous demande de comprendre qu’au XXIème siècle,
les querelles idéologiques, les bastions politiques, les présupposés, les sectarismes n’ont
plus lieu d’être
». Chiche !

* tous les passages en gras sont extraits du texte du discours disponible sur le site
http://www.elysee.fr/

** aptitude de guérir par la seule présence royale (cf. Marc Bloch, Les rois thaumaturges)
Cette année 2010 le Père Noël ne passera qu’au mois de mars sur le plateau de Saclay. Il
nous a déjà montré une hotte débordant de cadeaux miroitants. Mais attention ! nous
n’aurons le droit d’ouvrir les cadeaux qu’après les élections. Et là, ce sera la surprise, mais
de quelle nature ?



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