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Lettre d’Anne Fraïsse, présidente d’université, à François Hollande. (24/02/12)

mmSNCS-FSU24 février 2012


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Lettre d’Anne Fraïsse, présidente d’université, à François Hollande

Montpellier, le 7 février 2012

Monsieur le candidat à la Présidence,

Les premiers axes de votre programme en matière d’enseignement supérieur nous consternent et nous voulons vous faire part de notre surprise et de notre colère devant les orientations que l’on annonce.

Êtes-vous trompé à ce point sur les attentes de ceux qui vous soutiennent pour croire qu’ils souhaitent vous voir poursuivre la politique qui depuis 5 ans torpille notre enseignement supérieur. Le président sortant a supprimé la formation des maîtres, attaqué le CNRS, mis à mal le réseau universitaire pour lancer une compétition acharnée entre les établissements, créé des dissensions entre universités, organismes de recherche, écoles, IUT, IUFM, rompu tous les équilibres entre les régions, les sites de tailles différentes et les disciplines, privilégiant les uns au gré d’une politique contradictoire, brimant les autres au nom d’une idéologie ultra libérale. Il vous laisse en guise de projets des dettes pour 25 ans avec les duperies que sont les « plans campus » dont les « Partenariats Public Privé » multiplient par 3 le coût des bâtiments et profitent uniquement aux grandes entreprises de construction et les « Investissements d’avenir ».

Or que nous apportent les premières esquisses de votre programme, quelques aménagements, de l’argent annoncé et au bout du compte la poursuite d’une même direction dont vous ne pouvez ignorer qu’elle mène à l’échec. Croyez-vous réellement que les universitaires pourront se réjouir de vous voir poursuivre une politique qu’ils ont subie de force depuis 5 ans ? Peut-être faut-il vous interroger sur ceux qui vous conseillent en matière d’enseignement supérieur.

On peut s’étonner quand un candidat socialiste recrute ses conseillers parmi ceux qui ont aidé à mettre en place la LRU, ceux qui « dialoguent » aimablement avec Mme Pécresse sur l’avenir de la recherche en France et ont eu la naïveté de croire au marketing de « l’excellence » et de « l’autonomie ».

Depuis quand les « Think Tank », nouveau nom pour les lobbys divers et variés peuvent-ils affirmer tout en gardant l’anonymat, compter parmi eux des présidents d’universités, des universitaires et des chercheurs et faire des propositions au nom d’une gauche qu’ils ne représentent pas ?

Lorsque la gauche s’opposait aux mesures de M. Sarkozy, nous n’étions que 7 présidents dans l’amphi bondé de la Sorbonne et vos conseillers n’y étaient pas, ni eux, ni leurs anonymes soutiens.

Je ne crois pas que depuis la CPU ait basculé à gauche, ni même d’ailleurs qu’elle soutienne ceux qui vous parlent en son nom. Mais peut être la gauche, ou du moins ses dirigeants, a-t-elle changé d’opinion sur les mesures d’un gouvernement de droite et s’apprête-t-elle à les soutenir sans tenir compte des alertes des syndicats, des représentants des personnels, et de la masse de ceux qui font vivre l’enseignement supérieur et la recherche ?

Doit-on vous rappeler que le parti socialiste était contre la LRU, que le président Sarkozy et son équipe présentent comme leur plus belle réussite d’avoir fait passer les universités à l’autonomie, oubliant allégrement que certaines ont payé de 14 semaines de grève cette mesure, et que seuls la force bornée et le refus de toute négociation sont venus à bout de cette résistance.

Avez-vous réalisé ce que veulent dire réellement « Autonomie des universités » et « Investissements d’avenir » pour ne parler que de ces deux mesures ?

L’Autonomie des universités : une duperie dangereuse
« Comment voulez-vous que je préfère une université sous tutelle à une université autonome ? » déclarait Axel Kahn en mai 2009. C’est tout le danger de la « com » que d’enfermer les esprits savants dans une dialectique perverse. Mais comment peut-on croire que les universités sont autonomes quand elles doivent maintenant obtenir l’accord préalable de l’État pour voter leur budget alors que ce contrôle était exercé a posteriori lorsqu’elles n’étaient pas autonomes ? Comment croire un instant que les universités sont autonomes lorsque les crédits de fonctionnement sont supprimés au profit de financements « sur projets » qui font d’elles les prestataires de service d’une politique définie par d’autres ?

Même les plus favorables à l’autonomie dénoncent aujourd’hui l’investissement financier insuffisant qui oblige les universités à geler des postes, fermer des formations, réduire les heures de cours aux étudiants ou stopper leurs investissements. Une trentaine d’universités sont déjà en grande difficulté et leur nombre ne va pas cesser d’augmenter. Pour ceux qui à gauche ont dénoncé cette mesure nous savons qu’il s’agit d’une duperie totale. Les universités sont victimes, comme en leur temps les collectivités territoriales d’un transfert de charges sans transfert des moyens. La masse salariale est sous-estimée, les prestations sociales forfaitisées à un taux bien inférieur à leur coût réel et de nouvelles dépenses sont imposées : certification des comptes, paiement à la Trésorerie Générale des bulletins de salaires, etc.

Les investissements d’avenir : une politique absurde
Le 2nd tour des Idex enfin achevé, on voit apparaitre dans toute sa splendeur l’aberration du système mis en place et sa crétinerie absolue. Vouloir créer de toute pièce 8 sites d’excellence ne pouvait que mener à l’impasse où nous sommes. À peine les résultats connus, le ministre explique déjà que bien sûr il va falloir faire quelque chose pour Lyon et peut être aussi pour Lille, tant leur absence apparait criante. Ensuite on aura Grenoble, Montpellier, l’Idex lorrain, les 17 projets de la 1ère vague, et comme cela avait été dit d’avance toutes les plus grandes villes de France. Point n’était besoin d’un jury international, d’ailleurs soigneusement noyauté par des proches du pouvoir, pour inventer cela. Le système est gangrené dès l’origine : il crée des injustices et des déséquilibres et surtout il remplace des financements récurrents destinés à assurer les missions fondamentales des universités par des appels à projet épuisants et réducteurs.

Oui, Monsieur Hollande, vous avez raison d’affirmer que la jeunesse et l’éducation doivent être au cœur du projet pour la France et vous savez pouvoir compter sur l’enthousiasme des personnels d’éducation de l’école maternelle jusqu’à l’université dans ce projet. Mais c’est à une rupture radicale qu’il faut s’atteler, en cessant d’opposer enseignement et recherche pour replacer les étudiants au cœur du dispositif, en restituant aux personnels d’enseignement les moyens d’étudier et de travailler, en luttant contre la précarisation et la paupérisation des personnels IATSS, en redistribuant plus équitablement les crédits entre les différents établissements.

Oui, Monsieur Hollande, Axel Khan peut dire qu’il préfère une université autonome à une université sous-tutelle, pour ma part je préfère tout simplement un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche et une université d’Etat au service de la France.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée.

La Présidente, Anne FRAÏSSE



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