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Les recommandations du rapport du sénateur Gaudin : Une économie de deux milliards/an sur le Crédit d’impôt (CIR) (10/06/2010)

mmSNCS-FSU10 juin 2010

Par Henri Audier

Au moment où le gouvernement dit enfin chercher à renflouer les recettes de l’Etat en « rabotant » (très modestement) de 10 % les niches fiscales, le rapport du sénateur Christian Gaudin sur la plus grosse niche fiscale, le Crédit d’impôt recherche CIR), tombe à pic. Etrange rapport de ce sénateur de l’Union centriste qui arrive à placer tous les slogans gouvernementaux pour défendre le CIR, avec toutefois un titre prudent : « Le crédit d’impôt recherche à l’heure du bilan de la réforme de 2008 : des débuts encourageants, un rapport coût-efficacité perfectible ». Mais par quelques recommandations de bon sens, par quelques nouvelles données, le rapport propose en fait de diminuer par deux le CIR. Le tout témoignant d’une connaissance fine du dossier.

Le rapport Gaudin : 588 millions à récupérer sur les très grands groupes.
La réforme du CIR de 2006 consiste à rembourser aux entreprises, sans évaluation et des contrôles a minima, 30 % de leurs dépenses de recherche jusqu’à 100 millions de dépenses et 5 % au-delà de ce plafond. Le sénateur Gaudin précise : « Or, comme cela a été indiqué précédemment (…), ces vingt entreprises [touchant le plus de CIR] ont perçu 1.188 millions d’euros de CIR, soit 588 millions d’euros de plus que les 600 millions d’euros correspondant à la tranche de droit commun (au taux de 30 %). Une première économie à faire, suggère le sénateur, est de supprimer ces 5 %, qu’il estime non incitatifs , soit 588 millions.

Le rapport Gaudin : les fausses PME, filiales d’un groupe ; 840 millions à récupérer.
Le rapport propose aussi : « d’assurer que ce seuil de 100 millions d’euros soit défini en consolidant les sommes engagées par les différentes filiales d’un groupe afin d’éviter les montages d’optimisation fiscale ». Et d’illustrer le propos par « la part du crédit d’impôt revenant aux PME a augmenté en 2009, pour atteindre près de 44 %, même si ce constat doit être nuancé lorsque l’on prend en compte les seules PME indépendantes, qui ont reçu 20,3 % du total »
Qu’en est-il ? Il apparaît dans les chiffres donnés dans le rapport que l’apparente progression de la part des PME dans le CIR se décompose en une baisse des vraies PME indépendantes et une très forte, et donc très suspecte, augmentation des PME filiales d’une société importante (Tableau en annexe). Des grandes entreprises ayant dépassé le seuil des 100 millions, ou d’autres pour ne pas le franchir, ont donc redonné leur autonomie fiscale à leurs filiales pour toucher plus de CIR. C’est du reste ce que suggère la proposition du sénateur Gaudin. Il est donc plus que probable que la croissance du CIR des entreprises non indépendantes entre 2007 et 2008, comme déjà les deux tiers du CIR de ces PME non indépendantes en 2007, relevait de cette petite astuce comptable. En appliquant la recommandation Gaudin, environ 20 % du CIR sont économisés soit 840 millions.

Le rapport Gaudin : « le CIR gagnerait toutefois à être recentré sur son objet »
« Votre rapporteur spécial considère que le crédit d’impôt recherche ne doit pas être dévoyé et doit rester conforme à sa vocation première, qui est de financer des projets de R&D stricto sensu, c’est-à-dire réellement novateurs. Le manuel de Frascati, ouvrage de méthodologie statistique publié par l’OCDE, constitue, de ce point de vue, une référence très utile. En effet, la puissance du soutien fiscal (30 % des dépenses dans le « droit commun ») rend nécessaire de bien aider des travaux de « rupture », dont le succès et la rentabilité sont incertains pour l’entreprise, et qui, pour une part, n’auraient pas été conduits en l’absence de CIR. Il ne paraît donc pas opportun de décentrer la cible du dispositif en la déplaçant vers l’aval, pour la rapprocher du marché, sauf à risquer d’accroître fortement l’effet d’aubaine de la mesure ». Et le sénateur d’affirmer : « l’innovation n’est pas la R&D ». Quelles conséquences ?


Le ministère ne sait toujours pas où va le CIR

Depuis le rapport Carrez, il y a un an, soulevant le lièvre des « holdings » touchant le CIR. Un an après, après avoir beaucoup glosé, Valérie Pécresse n’est toujours pas capable de dire ce qu’ils sont. Le CIR de ces mystérieux holdings va-t-il à la recherche ? Réponse confuse du dernier rapport gouvernemental : « Notons que le fait que dans les groupes fiscalement intégrés, le CIR soit cumulé au niveau des maisons mères ne préjuge pas de l’organisation interne de la circulation de l’information et de l’affectation du CIR aux unités de R&D en charge des projets ». En terme clair, le CIR entre dans le flux financier des holdings et n’atteint pas nécessairement les unités de R&D. Une impasse sur 33 % du CIR !

Dans ce brouillard entretenu depuis plus d’un an par V. Pécresse sur ces fantomatiques holdings, le rapport Gaudin apporte une précision de taille : les holdings reçoivent 33 % du CIR pour une part des recherches en France déclarées de 2,4 % ! Etant donné que cette équation est impossible, il faudra attendre la mission de l’Assemblée sur le sujet pour comprendre. « Le ministère a toutefois précisé (…) que de 70 % à 80 % du CIR perçu par les holdings entre dans la catégorie des industries manufacturières » affirme le rapport, ce qui est possible au vu de l’Annexe 2.

Les « services » : 42 % du CIR pour 12 % des recherches réelles des entreprises
La répartition du CIR (Rapport Gaudin) est donnée Annexe 2. Donc le secteur des services reçoit 34,1 % du CIR plus environ le quart de celui des holding, soit 42 % du CIR. Or, en suivant la définition internationale du « Manuel de Frascati », de ce qu’est la R&D, les services ne représentent que 12 % de la recherche réelle effectuée en France (d’après OCDE et ministère). Du reste, le rapport Carrez a montré qu’en quelques années, le CIR des diverses activité de service ont cru de facteurs entre 5 et 10. Un bon filon ! Cela signifie que les services touchent environ 30 % du CIR (1,25 milliards) indument. C’est pourquoi le Rapport Gaudin propose de revenir à la définition du Manuel de Frascati pour attribuer le CIR.

Le total des économies immédiates possibles, sur le seul CIR dépassent largement les deux milliards. La suppression de 2000 emplois dans la recherche qui ne vous rapporteraient que 50 millions/an, mais marquerait un nouveausigne fort montrant votre mépris du pouvoir pour la recherche.

ANNEXE 1 : Régression des PME indépendantes, forte progression des PME-filiales.







PME indép Non ind. PME indép Non ind.
2007 74.2 67.2 7% 35.2 23.8 11.4
2008 82.7 65.7 17% 43.9 20.3 23.6
Evolution du % +11.4% -2.3% +142% +24.7% -11.7% +107%


ANNEXE 2 : Quelle part du CIR va à l’industrie ?






Part de
CIR
Recherches
Déclarées
Recherches
réelles
Industries
manufacturières
32.2% 60.0% 88%
Holding 33.0% 2.4%
Services 34.1% 36.54% 12%
Autres 0.7% 1.0%





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