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Les nouveaux recrutés au CNRS s’opposent à la direction sur la réforme de la recherche

VRS11 mars 2009

Hier [Lundi 9 mars 2009] se tenait à Paris la journée d’accueil des nouveaux entrants au CNRS (recrues 2008 sur les concours de CD, DR et ITA). Nous avions décidé de profiter de cette journée de discours lénifiants sur l’excellence et les succès du CNRS, pour interpeler la direction sur ses contradictions : alors qu’elle se disait fière de nous accueillir dans un organisme d’excellence, elle en limite les moyens humains (nous étions 400 chargés de recherche recrutés l’an dernier, ils seront 300 cette année …) et elle limite les financements de nombreux champs disciplinaires.

Notre avis sur ces questions devrait particulièrement l’intéresser : nous avons été soumis à évaluation tout au long de nos jeunes carrières, et nous avons été jugés et sélectionnés sur la base de ces indices bibliométriques qui plaisent tant à nos gouvernants ; parmi nous, nombreux sont ceux qui ont fait un séjour post-doctoral de plusieurs années à l’étranger, et nous sommes donc bien placés pour comparer le CNRS à ses homologues étrangers (la recherche étrangère, qui fait tant rêver notre Président, c’est aussi nous …). Nous sommes donc les purs produits de cette politique scientifique basée sur la compétition et l’évaluation bibliométrique, et si même nous, nous protestons contre les réformes du CNRS et du mode de financement de la recherche en France, alors la direction est bien obligée de nous écouter … Ce qu’elle a donc fait hier.

Nos questions sont restées sans véritable réponse (A. Migus se contentant de nous expliquer que les chercheurs devraient davantage communiquer avec le grand public (?!?) ; plusieurs chercheurs expérimentés, présents à cette journée, l’ont interpelé à la suite de notre intervention). Les médias commencent à parler de l’événement (sur le blog de Libération : http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/03/cnrs-les-jeunes.html#more ; et les correspondants permanents de Nature et Science à Paris nous ont demandé un compte-rendu de la journée).

Je copie ci-dessous le texte de la lettre ouverte que nous avons adressée à la direction du CNRS.

[…] Nous, nouveaux recrutés 2008 au CNRS, affirmons avec force notre attachement à cet organisme public de recherche. Le CNRS a un rayonnement international et il a su garder, par son fonctionnement et sa structure, indépendance et liberté de pensée, dans tous les champs disciplinaires, vis-à-vis des mondes politique et économique.

C’est en grande partie pour ces raisons que le CNRS continue d’attirer des chercheurs du monde entier : nous avons connu de l’intérieur le système français et les systèmes étrangers, et nous avons été soumis à une évaluation permanente ; nous sommes donc bien placés pour apprécier les qualités du CNRS par rapport à ses homologues internationaux.

Au moment où nous devrions nous réjouir d’intégrer cet organisme, nous ne pouvons qu’exprimer publiquement les vives inquiétudes que suscitent à nos yeux les réformes en cours et les profondes modifications structurelles touchant notre organisme. Ces réformes ont pour objectif de transformer un opérateur de recherche reconnu et indépendant en une agence de moyens obéissante, dont les objectifs scientifiques sont définis par les pouvoirs économique et politique. Nous voulons plus particulièrement dénoncer les conséquences de cette évolution qui nous affectent déjà dans notre quotidien.

 Les moyens humains comme financiers ont été réduits drastiquement. L’année 2009 voit une baisse de 25% du recrutement de chercheurs au CNRS et la suppression de 250 postes dans les universités alors que le nombre d’étudiants est en constante augmentation. On assiste au contraire à une précarisation accrue et à la multiplication des CDD, en particulier pour les jeunes chercheurs et les personnels techniques et administratifs.

 Ces CDD et la quasi-totalité des dépenses de recherche sont aujourd’hui financés par les appels d’offre de l’ANR (Agence Nationale de la Recherche). Ils sont en large majorité à visée technologique et sont renégociables chaque année en fonction du lobbying du moment. Les réformes actuelles donnent ainsi un poids encore jamais atteint au pouvoir politique et aux grandes entreprises dans le pilotage de la recherche. Par ailleurs, le désengagement de l’État du financement des Universités (dans le cadre de la loi LRU) les rend plus dépendantes des fonds privés et des collectivités locales.

 La seule augmentation budgétaire pour la recherche est le « Crédit Impôt Recherche », qui consiste à défiscaliser certaines entreprises lorsqu’elles investissent dans leurs départements de recherche et développement. Il n’est soumis à aucune évaluation. Ce « cadeau fiscal » est d’un montant considérable et en forte hausse : de 1,5 milliard d’euros en 2005 à plus de 4 milliards d’euros pour l’année 2009. 80% de ce montant ira aux plus grosses entreprises françaises. Pourquoi une réforme si coûteuse, sans évaluation de son impact?

Ces réformes sont donc dangereuses pour la créativité de la recherche et risquent à terme de faire disparaître des pans entiers de la connaissance, car non « rentable ». L’étude des causes et des conséquences des inégalités sociales ne rapporte pas d’argent. Pour autant, voulons-nous arrêter d’accumuler et de transmettre des connaissances sur ce sujet ? L’informatique ou la génétique ne rapportaient pas d’argent il y a 60 ans. Aurions-nous préféré qu’on ne finance pas la recherche dans ces domaines à l’époque ? S’il faut évaluer les risques associés aux activités d’une entreprise ou d’une collectivité locale, est-ce un chercheur financé, recruté et piloté par celle-ci qui sera le plus impartial et objectif ? Si nous sommes mobilisés aujourd’hui, ce n’est donc pas pour défendre de quelconques avantages corporatistes. Nous voulons contribuer à l’excellence de la recherche française en intégrant un organisme dont la force et l’indépendance sont reconnues mondialement. Nous avons le désir et la capacité de participer à l’amélioration du fonctionnement du CNRS, mais nous résisterons avec toutes nos forces pour ne pas assister à son enterrement.



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