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Les chiens de garde : l’Inspection générale (IGAENR) fait la chanson et la chante. SNCS Hebdo 12 N°16 du 21 novembre 2012

mmSNCS-FSU21 novembre 2012

Henri-Edouard Audier, membre du Bureau national du SNCS-FSU

Si les scientifiques n’ont eu que peu de place dans les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, on ne peut pas en dire autant de la ribambelle d’institutionnels aujourd’hui toutes griffes dehors pour sauver les « réformes » des gouvernements de droite, « réformes » qu’ils avaient aidé à concevoir et à mettre en place. Est manifestement à ranger dans cette catégorie l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), comme en témoigne le rapport qu’elle a mis en ligne en septembre dernier (1). Ce rapport intitulé « Étude sur les mécanismes d’allocation des moyens humains et financiers aux unités de recherche par les organismes de recherche » est placé sous la responsabilité de Bernard Froment qui était, il n’y a pas si longtemps, chef du département Partenariats et valorisation à la Direction générale de la recherche et de l’innovation du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Directement du producteur au consommateur : celui qui a fait fonctionner le système juge de sa gestion. Peut-on s’étonner que le rapport ainsi produit soit avant tout une défense acharnée de l’ANR et de l’AERES ?
SNCS Hebdo 12 n°16

 

 

Empilement de sophismes, d’approximations, d’allusions, d’interprétations et de contre-vérités, ce rapport claironne : « … la création de l’ANR s’est traduite par davantage de liberté et de responsabilité données aux directeurs d’unité [DU] de recherche. La mission recommande de conserver la diversité actuelle des mécanismes d’allocation des moyens et de garantir ainsi l’adaptation du système à la diversité des situations des unités de recherche. » Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes : des chercheurs plus libres, des DU plus responsables, qui bien sûr adorent l’ANR : « une majorité de directeurs d’unité souhaitent la pérennisation des appels à projets de l’ANR. La mission estime que leur volonté de rééquilibrage ne correspond pas à une demande de réduction des moyens répartis par l’ANR. » Sur quelle base, sur quelle enquête (champ, méthode, résultats) s’appuie l’Inspection pour soutenir cette interprétation ? À moins qu’on ait demandé aux intéressés s’ils préféraient des crédits ANR ou pas de crédits du tout …

Quel courage ! L’IGAENR, qui n’avait pas manifesté un grand sens critique sous le précédent gouvernement, se rebiffe aujourd’hui. « La mission recommande une grande vigilance quant à l’impact sur l’évolution du taux de sélection des appels à projets de l’ANR des mesures de rééquilibrage entre dotations de base et moyens sur appels à projets. » Affirmation appuyée par la phrase d’anthologie : « Un transfert des crédits de l’ANR vers les organismes pour augmenter la part des dotations de base se traduirait par une difficulté plus grande de remporter des appels à projets. »

Démonstration « techno » : « la part du financement public de la R&D dans le secteur académique sur projets varie de 5 % environ au Danemark (la France est dans une situation voisine) à plus de 80 % en Corée. (…) L’Allemagne est à 10 % et la Suisse à 20 % ». « Le taux moyen de dotation de base français est l’un des plus élevés des grands pays de recherche ». Il y a là une manipulation grossière, qui confond l’ANR et le financement sur projets en général. Or ce qui est en cause, c’est d’abord l’ANR. Il peut exister des financements sur projets, à condition qu’ils conservent un poids raisonnable. Dans les propositions du SNCS-FSU figure la disparition des lotos de l’ANR mais aussi la défense de programmes inter-organismes, gérés par ceux-ci, fonctionnant sur projets et sur emplois statutaires. Quant aux références internationales, peut-on comparer l’ANR française, entièrement nommée, corsetée par les décisions du pouvoir (SNRI) et la DFG allemande où pratiquement tout le monde est élu, y compris ceux qui décident des thématiques ?

Et puis, pas de quoi se plaindre : « Depuis dix ans, les ressources globales affectées à la recherche n’ont cessé d’augmenter. [Les crédits publics aux opérateurs] ont augmenté de façon continue en euros courants. Cependant, le sentiment partagé par de nombreux chercheurs est que les crédits se sont raréfiés. ». L’IGAENR fait bien de préciser que « depuis dix ans, les [crédits globaux] n’ont cessé d’augmenter »… Mais « en euros courants » …

Pour terminer, un morceau de bravoure sur l’AERES. Presque seule contre tous, l’Inspection est ravie de ce magnifique système technocratique. Elle préconise de « rendre l’évaluation des unités de recherche par l’AERES plus discriminante » ! Elle précise que « toutes les unités d’un même champ disciplinaire pourraient être évaluées la même année, ce qui garantirait une meilleure homogénéité de traitement et permettrait la mise en place d’une notation de ces unités selon une échelle normée ». Serrer la vis, toujours !

Quant aux CDD, « la question est de savoir s’il faut banaliser les CDI ou si, au contraire, il revient (sic) de prévoir un contrat de mission spécifique à la recherche coïncidant avec le projet support ». En somme une systématisation de la précarité, à mettre en parallèle avec la recommandation de Jean-François Bach, de l’Académie des sciences, de « retarder l’âge à partir duquel les chercheurs deviennent fonctionnaires ». Excellentes recettes pour que la jeunesse se détourne toujours plus des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche.

L’ANR, l’AERES, chaque « alliance », chaque instance sans scientifique élu, chaque verrue héritée de l’ancien régime a aujourd’hui sa propre résistance, son corporatisme étroit, ses intérêts à défendre, quand ce ne sont pas les primes ou salaires des responsables, et même son cortège d’affidés trop heureux d’avoir gagné à un loto. Il est temps de dynamiter cette bureaucratie.

 


(1) http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid61479/allocation-des-moyens-aux-unites-de-recherche-par-les-organismes-de-recherche.html



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