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Le CNRS que nous voulons

mmSNCS-FSU24 novembre 2017

SNCS Hebdo 17 n°10 du 27 novembre 2017

SNCS Hebdo 17 n°10

Devançant de quelques mois le terme de son mandat, le président du CNRS a démissionné. Que ce soit pour prendre, avec empressement, la présidence d’une ComUÉ nous fait, au passage, une impression un peu étrange. L’avenir est-il donc tellement à ces « politiques de site » – dont nous n’avons toujours pas le mode d’emploi – que passer de la présidence de notre plus grand établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) à celle d’une communauté de quartier* justifie une telle précipitation ?
Tournent les alouettes … En attendant, le CNRS doit se trouver un nouveau timonier. La procédure est, depuis 2010, très formalisée : les candidats doivent passer une audition devant « la commission compétente en matière de recherche » (comme dit la loi organique n°2010-838) de chaque assemblée parlementaire et y exposer leurs intentions. Un peu ridicule lorsqu’il n’y a qu’un candidat, cette procédure peut aujourd’hui être l’occasion d’un véritable débat sur le rôle et le fonctionnement de la recherche publique. C’est l’occasion de répéter, en espérant qu’elles soient reprises à leur compte par les meilleurs des candidats, nos idées sur la question.

Le CNRS, pourvu qu’on veuille bien faire prospérer les qualités que lui ont léguées ses fondateurs, a plus que jamais un rôle essentiel à jouer pour l’animation de la recherche scientifique, en France et au-delà. Son rôle pour la recherche fondamentale est irremplaçable. Que la représentation nationale sache distinguer, parmi les candidats, celle ou celui qui aura la plus haute idée de cette mission et qui saura le mieux nous mettre en situation de l’assumer !

* fût-il latin …

Christophe Blondel, trésorier national du SNCS-FSU, élu au conseil d’administration du CNRS



« Le CNRS que nous voulons », c’était déjà le titre d’une série de quatre éditoriaux que nous avons publiés en 2009, alors que le Centre traversait – déjà – une période de forte incertitude. Pas moins de quatre pages avaient alors été consacrées à la réexposition (cent fois sur le métier …) des principes qui fondent notre attachement au service public de recherche et à un statut des personnels cohérent avec la pérennité de ce service. Ces quatre « hebdos », sur l’organisation de la recherche publique, les missions de l’organisme, ses partenariats, les carrières des personnels, peuvent utilement être relus aujourd’hui : ils n’ont pas tellement vieilli.

Les politiques peuvent passer – avec leurs vues toujours désespérément à court terme – les principes fondamentaux restent. Cela agace les gouvernements au point, quelquefois, que les plus enragés en arrivent à se lancer dans des tentatives d’éradication furieuses, telle la campagne que nous subîmes, il y a quelques années, et qui visait à faire passer pour obsolète le programme du Conseil national de la Résistance lui-même (fallait-il qu’il fût, précisément, d’actualité !) Le CNRS est contemporain de ce programme : initié en 1939, il prend son essor en 1944 grâce aux réflexions menées par Frédéric Joliot-Curie et ses collaborateurs dès la libération de Paris. La crise et la pénurie de ressources publiques dont on tire aujourd’hui arguments pour nous mettre au régime sec ne sont que des plaisanteries par rapport à la crise et à la pénurie de l’époque ! Nous n’avons pas d’excuse pour ne pas voir au moins aussi loin que ces gens-là.

L’organisme finalement installé par l’ordonnance du 2 novembre 1945 est en effet, d’entrée, en avance sur son temps. Perfectionné au fil des années – premiers statuts des personnels dans les années 50, invention des laboratoires associés (futures unités mixtes) avec les universités dans les années 60, création des corps de fonctionnaires des EPST dans les années 80 – le CNRS a favorisé l’éclosion et l’expansion, dans toutes les disciplines, y compris les disciplines nouvelles, d’une communauté scientifique nationale. Les prix et les médailles internationales recueillies ces dernières années sont encore les fruits de ces investissements. Le modèle, modernisé en permanence, est tout prêt à relever le défi de la société de la connaissance, dans une nouvelle croissance.

Le modèle, hélas, ne plaît pas à tout le monde ! La liberté garantie aux acteurs de la recherche, pourtant indispensable à leurs succès, comme le montre l’histoire, est, depuis le début du siècle, remise en question. Insidieusement, depuis quinze ans, le CNRS est entraîné dans une spirale descendante, au fur et à mesure que ses moyens sont rabotés pour alimenter des institutions nouvelles et superflues. Le CNRS que nous voulons n’est pas cela, pas cet hôtel à chercheurs « d’excellence » dont les succès ne se mesureraient plus qu’à leur taux de succès à la loterie annuelle de l’Agence nationale de la recherche ou auprès de l’ERC ! Le CNRS que nous voulons est un organisme vivant, c’est-à-dire doté de tous les organes nécessaires à un développement cohérent et harmonieux de la vie scientifique :

 un organisme national, parce que comparaisons et coopérations ne se conçoivent aujourd’hui qu’au moins à cette échelle-là, et en interaction partout avec les établissements d’enseignement supérieur, grâce au modèle « génial »† des UMR ;

 un établissement garantissant à ses personnels carrières et conditions de travail attractives, qui les gardent du risque de conflits d’intérêts, leur laisse le temps de « faire leurs gammes »‡ et les préserve des incertitudes qu’engendre l’exigence stérilisante de résultats immédiats ; la nécessité d’une « subvention pour charge de service public » suffisante, de la part de l’État, est un corollaire de cela ;

 une institution démocratique, parce qu’en recherche encore plus qu’ailleurs, seuls les véritables acteurs peuvent apporter idées et orientations nouvelles.

Ce modèle n’est pas un modèle de statu quo. Aujourd’hui le CNRS, doté par l’État d’un budget de survie, étouffe, tandis que les institutions parasites prospèrent. Quelle compétence a le Commissariat aux investissements pour piloter la recherche ? Le Comité national avait été conçu, en 1945, pour s’occuper aussi de la distribution des crédits aux laboratoires, on rêve qu’il en retrouve la possibilité … Que les candidats à la présidence du Centre fassent entendre cela aux politiques !

† Alain Fuchs à l’AEF, le 24 octobre 2017.
‡ Nécessité reconnue par le président de la République Charles de Gaulle lui-même,
le 18 mars 1965, au sortir d’une visite des laboratoires du CNRS à Meudon-Bellevue.



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