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La conZRRtation à la mode Fioraso. SNCS Hebdo 14 n°11 du 9 décembre 2014

mmSNCS-FSU9 décembre 2014






On
se souvient qu’une magnifique
circulaire
interministérielle a sonné, le 7 novembre 2012, le départ d’un nouveau
dispositif de « protection du
potentiel scientifique et technique de la nation
 » (PPST) qui
n’y va
pas par quatre chemins : il s’agit « d’empêcher
que les personnes ayant accès à des unités de recherche et
de production ou qui se trouvent en contact avec les chercheurs ou les
industriels qui y travaillent, acquièrent la connaissance de savoirs ou
savoir-faire à l’insu du chef de service ou du responsable de ces unités
 ».

Si
la langue française (qui devrait
elle-même faire partie du patrimoine à protéger …) a un sens,
cela signifie
qu’aucun chercheur, ingénieur ou technicien de nos laboratoires n’a
plus,
depuis cette date, le droit de donner l’heure au passant qui la lui
demande
dans la rue, sauf à en référer à son directeur de laboratoire !

Cette
circulaire digne du père
Ubu se heurte à quelques difficultés d’application. En réponse à la lettre ouverte
du
SNCS, le Premier ministre a promis, en juillet dernier, une
concertation. La secrétaire
d’État vient d’y donner suite, fin octobre, en révélant que le haut
fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) du ministère et le
secrétaire
général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) « se sont rencontrés … ». Ah la
belle concertation que voilà !

cf. SNCS-Hebdo 14 n°02 du 21 janvier 2014, « Toute la recherche française
derrière des barbelés ? » et la correspondance qui s’en est
suivie
avec le gouvernement en
https://sncs.fr/Lettre-ouverte-au-Premier-ministre.



SNCS Hebdo 14 N°11 – PDF





On peut en effet se
frotter les yeux, à la lecture de la lettre
que madame
Fioraso nous a renvoyée le 30 octobre dernier. Après avoir recopié
fidèlement
l’argumentaire de la circulaire du 7 novembre 2012, elle annonce – ce
qui,
au-delà d’une faveur, constitue peut-être une révélation dangereuse au
cas où
des oreilles ennemies nous écoutent – que le HFDS et le SGDSN « sont convenus de renforcer la concertation
avec la communauté scientifique pour rendre le déploiement du
dispositif plus
transparent et plus efficace
 ».

La
« concertation » est pour l’instant entre les
mains d’un « comité interministériel
d’expertise chargé de réévaluer la sensibilité des unités de recherche
nouvellement identifiées par le ministère comme pouvant potentiellement
héberger des zones à régime restrictif (ZRR). Ce comité réunit des
experts
défense et sécurité de l’administration et des experts scientifiques
désignés
par plusieurs universités et organismes de recherche
 ». Le
SGDSN avait
d’ailleurs précisé dès le mois d’avril que les universités et
organismes en
question sont (Dieu, c’est-à-dire le SGDSN lui-même, seul sait
pourquoi) Paris
6, Paris 7, Rennes 1, le CNRS, l’INSERM, l’INRA, le CEA et l’Institut
Pasteur. Rien
de nouveau, nous sommes toujours priés d’attendre sagement que tombe de
cet
aréopage, au terme d’un « exercice
[qui] pourrait s’étendre jusqu’à la fin 2014
 », l’« actualisation » du « degré de
sensibilité
 » des unités
« pouvant potentiellement (sic)
héberger des ZRR
 ».

Cette conclusion reste
inacceptable. Quelle compétence ce comité,
manifestement constitué non sur une base de représentation des
disciplines,
mais comme pour satisfaire quelques établissements fameux, pourra-t-il
avoir ? Plus grave : le dispositif ignore toujours le point
essentiel
que nous soulignions dans notre lettre du 12 juin au (nouveau) Premier
ministre : les domaines sensibles ne sont pas
seulement
(et peut-être en fait très peu) liés à
l’objet d’étude
, mais une affaire de proximité des
applications
(en anglais « technology readiness
level
 » ou TRL). Cette dimension
temporelle du chemin compliqué, difficultueux, qui mène de la recherche
à l’innovation,
reste complètement ignorée par le gouvernement.

Cette ignorance n’est
hélas pas une surprise : on l’a
déjà vue à l’œuvre dans la loi d’orientation de 2013, où elle fait
présenter le
« transfert » des résultats de la recherche comme un
processus simple
et direct. Quelle naïveté ! Quelle naïveté aussi dans
l’affirmation que
« nous sommes l’un des pays
européens les plus ciblés par le pillage industriel et intellectuel
 » …
C’est qu’on ne doit pas en trouver beaucoup pour se vanter pareillement
d’être autant
infestés d’espions ! Il y a de la méthode Coué là-dedans :
nous
répétons que nous sommes espionnés peut-être, hélas, aussi pour nous
convaincre
que nous sommes encore intéressants.

Cette politique
simplissime semble toutefois, à l’épreuve du
réel, se heurter à quelques difficultés. La direction de l’INRIA vient
de se
donner « un temps de réflexion » et, comme elle a dû recevoir
des
protestations dans toutes les langues, cherche à doublement rassurer
son
personnel en lui écrivant aussi en anglais : « In
view of rising complaints in all research laboratories about ZRRs
(restricted regimes zones), Inria’s management decided to slow down
their
implementation process
 », en VF : « Au
regard d’une montée de tension dans l’ensemble des laboratoires de
recherche …
 »

Un curieux pétard
vient également d’exploser au centre même
du camp retranché de Paris, où le Conseil d’État a jugé, à propos de la
nomination (déjà faite) d’un président étranger à la tête de l’Agence
nationale
de la recherche, qu’il n’y avait aucun problème. Magnifique
dispositif : le
président de l’ANR – qui aura accès à tous les projets de recherche –
peut donc
bien être un homme de la CIA. Le lampiste, lui, subira mille
tracasseries si
son grand-père n’est pas né dans l’Hexagone. Car les retours que nous
en avons
montrent que la promesse de madame Fioraso que le dispositif « écarte toute discrimination liée à la nationalité »
n’est qu’un vœu pieux. « Erga omnes »,
sans doute, mais pas vraiment avec une ouverture d’esprit propre à
reconnaître
qu’ex Africa semper aliquid novi 

Comme le conclut une
récente motion de la section 6 du Comité
national de la recherche scientifique scienscientifique
sur la question, l’existence de risques, notamment en termes de
cyber-sécurité, n’est pas niable. Mais les restrictions d’accès
envisagées ne
seront, pour la plupart, d’aucune efficacité face aux menaces modernes.
Un
dispositif de PPST ne peut être efficace que s’il est conçu en réelle
concertation avec les chercheurs, les ingénieurs et les techniciens du
terrain.
Nous demandons que soit enfin mise en place cette concertation pour
que, dans
l’intérêt du pays, cesse l’actuelle mascarade.




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