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LE MONDE du silence

VRS13 mars 2009

Dans son article du 11 mars 2009, intitulé « Budget des universités : les milliards sont là, mais tout le monde ne les voit pas », Catherine Rollot a battu son propre record d’information unilatérale. La réalité est en fait un peu différente : « Budget des universités : les milliards ne sont pas là, mais LE MONDE les voit ».

Henri-Edouard Audier


Avant cela, il convient de souligner l’éclipse totale de ce quotidien pour tout ce qui concerne le secteur de la recherche depuis la disparition (l’élimination ?) de Pierre Le Hir. Notre système de recherche publique se fait-il démolir, nos organismes se font-ils achever ? Le lecteur n’en saura rien. Le Conseil scientifique du CNRS, les présidents de conseil de département et de section du Comité national protestent-ils ? Rien. Ceux de l’INSERM font-ils de même ? On ne le saura pas. Après le discours de Sarkozy, si haineux pour les scientifiques, l’Académie des sciences, des scientifiques de renom, tous les syndicats et associations, les sociétés savantes, les instances scientifiques s’expriment-ils ? Rien ou presque. On n’était pas habitué à ça. On espère ne pas devoir s’habituer à pire.

Pour en venir à Catherine Rollot, son style nunuche faussement balancé, permet d’ignorer le fond des enjeux, de caricaturer la position des protestataires, pour que ressorte mieux « le bon sens », à savoir la volonté d’ouverture, de dialogue, de compromis de la ministre. Ainsi, après le discours de Sarkozy, nous écrivions http://www.sncs.fr/article.php3?id_article=1437 : « Qu’on arrête de discréditer notre milieu : l’évaluation de toutes les activités des enseignants-chercheurs et leur prise en compte dans les carrières est l’une des multiples propositions des États généraux de 2004. Cela a été soutenu par tous les syndicats ». Laisser entendre que les enseignants refusent toute évaluation est malhonnête. Mais cela permet d’esquiver, comme le veut le ministère, les vrais enjeux : les conditions de l’évaluation, le déficit d’emplois, etc. Mais assez de casseroles, au demeurant de bonne qualité, ont été accrochées à Catherine Rollot sur ce point pour ne pas insister davantage.

Venons-en au morceau de bravoure sur le budget. À l’évidence, Catherine Rollot n’a jamais ouvert l’un des nombreux sites, ou lu les multiples communiqués, analysant les budgets 2008 et 2009 ; du moins le lecteur n’en a pas eu l’impression. Elle n’a pas plus ouvert une Loi de finances pour vérifier les dires de la dame du ministère. Mais passant outre toute éthique journalistique, elle a reproduit sans vérification l’argumentation officielle qui est grotesque.

Ainsi les 373 millions de crédits supprimés sur le budget 2008 se réduiraient à 30 millions. Dans http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article2297&var_recherche=audier ont pourtant été expliquées par le menu les suppressions de crédits dans chacun des 12 programmes des crédits budgétaires de la MIRES. Rien n’est caché au lecteur : l’université augmente d’epsilon, le CNRS et l’INSERM perdent 70 millions, risques et pollution 40 millions, la vie étudiante 35. Il y est précisé que les pôles de compétitivité, qui financent des coopérations public-privé, sont amputés de 120 millions. Mais pas les trois milliards du Crédit d’impôt. Et de grâce, que Valérie Rollot ne répète pas bêtement que l’on n’a pas pu dépenser toutes les bourses quand une enquête récente de l’OCDE http://www.sncs.fr/article.php3?id_article=1670 montre que, dans ce domaine, nous sommes avant-derniers parmi les vingt pays étudiés.

Grotesque encore l’affirmation « qu’en 2008, le budget de la MIRES prévoyait une augmentation de 1,8 milliard soit + 7,8 % ». Même la dame du ministère doit ajouter le crédit d’impôt pour approcher ce montant. Dans l’article publié par SLR déjà cité, il y était écrit : « Entre 2007 et 2008, (…) à périmètre constant la loi de finances pour 2008 (« jaune » du budget) indique une croissance de 1001,16 millions de la MIRES. Sur ce milliard, 470 millions correspondaient à la régularisation des cotisations retraites. L’inflation ayant été d’environ 3 % cette année, cela représente (sur 23,4 milliards initiaux moins les suppressions) 690 millions. Hors cotisations retraites, le budget initial 2008 de la MIRES est donc en baisse de (1000 – 470 – 690) = 160 millions, auxquels il faut ajouter les 379 annulés ».

Pour le budget 2009, qu’elle se réfère à l’article récent : « Flagrant délire ministériel de contre-vérités ». « Sur le budget initial 2009, la MIRES s’accroît de 758 millions sur un montant de 23,4 milliards, soit + 3,2 %. Sur ces 758 millions, 360 sont « embolisés » par la résorption du retard de paiement des cotisations retraites des fonctionnaires, ce qui ne représente pas des mesures nouvelles. En euros courants, la « croissance » n’est donc plus que de 398 millions, soit +1,7 %, soit probablement rien en euros constants.

Quant aux universités : la ligne « formation et recherche universitaire » de la MIRES augmente de 3,8 % dans le budget 2009 en euros courants, la moitié étant bloquée par les cotisations retraites. Donc, quand bien même « les + 10 % minimum pour chaque université » annoncés par Pécresse seraient vrais, ils ne pourraient résulter que du redéploiement d’autres crédits universitaires, le plan campus ne changeant la donne qu’hypothétiquement et qu’à la marge.

Le plus écœurant de l’article de Mme Rollot réside dans sa conclusion jésuitique. « Dans le plan de relance (…) 731 millions sont affectés à l’enseignement supérieur et à la recherche. Seront-ils considérés comme fictifs ? ». Cela confirme clairement que Catherine Rollot, à rebours d’un travail d’investigation professionnel, consulte exclusivement le site du ministère, sûrement mais pas http://www.sncs.fr/article.php3?id_article=1407&id_rubrique=17. Car ceux qui suivent l’actualité en temps réel ont répondu depuis longtemps à la question.

En résumé, nombreux sont ceux qui sont devenus allergiques à la série d’articles du style « Valérie Pécresse expliquée à mes petits-enfants », qui tiennent lieu d’informations. Il en est ainsi de l’absence d’articles sérieux sur les prises de position des partis de gauche, dont certains émettent un communiqué tous les trois jours, dans le silence des ondes et des médias. La stratégie est claire : il s’agit de donner à croire que le conflit actuel se cantonne à un conflit corporatiste, en camouflant qu’il s’agit d’abord d’un enjeu pour l’avenir du pays.



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