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Evaluation dans l’enseignement supérieur et la recherche : lettre aux parlementaires. 12 juin 2013.

mmSNCS-FSU14 juin 2013

Résumé

Réclamé très largement par la communauté scientifique, promis par le Président de la République, mis au menu des Assises de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) par la Ministre, un large débat sur l’évaluation a eu lieu pendant plusieurs mois, tant sur ses principes que ses modalités. Il s’est traduit, non par un choix difficile entre des positions éloignées, mais par l’élaboration de propositions de compromis, qui doivent permettre d’améliorer sensiblement la pratique de l’évaluation. Ce travail a été poursuivi, traduit en propositions par M. le député Le Déaut, puis dans le texte de loi voté une première fois au Parlement. Pour répondre à certaines inquiétudes, il reste certainement des choses importantes à préciser au stade des décrets; mais l’esprit du texte, relativement à l’évaluation, va dans le sens du mouvement de convergence opéré pendant les Assises. Par contre, un retour à la case AERES, apparemment défendu par certains parlementaires de la majorité, ne répondrait pas, tout autant aux nécessités d’une évaluation qui remplisse l’ensemble de ses objectifs qu’à l’effort plus général de construire un paysage apaisé pour l’enseignement supérieur et la recherche.

Développement

Le projet de loi en cours d’examen a été précédé d’un long processus de consultations et de débats dont la première partie, les Assises nationales de l’ESR, lancées en juillet 2012 par la Ministre, se sont conclues en décembre 2012 par la remise d’un rapport au Président de la République, par le rapporteur des Assises assisté du comité de pilotage (Copil). Ce rapport, adopté à l’unanimité par les membres du comité, a rassemblé un grand nombre de propositions qui exprimaient tout autant des positions consensuelles exprimées pendant le débat, que des constructions de compromis dans les nombreux cas où des positions divergentes s’étaient exprimées (ce qui est le cas sur l’évaluation).

L’objet de la présente lettre aux parlementaires est de préciser quelques points concernant l’évaluation, car la lecture de certaines des positions récemment exprimées sur cette question est de nature à inquiéter celles et ceux qui ont suivi de près cette question.

On a souvent dit et entendu que l’évaluation avait été un sujet chaud des assises, ce qui est exact. Ainsi le premier rapport du Copil, après les auditions d’août, notait-il en septembre 2012 :
« L’évaluation en général (l’évaluation des personnes, des unités, des structures, des projets, des maquettes d’enseignement…) revient régulièrement comme un sujet de préoccupation majeur lors des auditions. », puis plus loin « l’AERES est ainsi très vivement critiquée par certains ». La même semaine, un document de l’Académie des Sciences se faisait encore plus virulent puisqu’il préconisait une dissolution sèche de l’agence … La suite du processus, assises régionales, débat public des assises nationales, a confirmé cette tendance.

Mais si le débat a été chaud, il ne faudrait pas oublier qu’il a été également riche. Au sein du Copil, où les positions étaient elles-mêmes diverses au début du processus, un long travail d’analyse des critiques et propositions été mené, qui ne s’est pas limité, loin s’en faut, à une discussion sur l’avenir de l’agence existante. La finalité et les principes de l’évaluation ont été passés au peigne fin. A ce propos, il est intéressant de relever une différence d’approche, qui explique en partie certains positionnements : Les uns, essentiellement du côté des « décideurs », aspirent à voir dans les résultats de l’évaluation des outils de décisions (par exemple de dévolution des crédits), d’où leur intérêt par exemple pour l’exercice de notation, et pour une agence devenue largement « agence de notation ». Les autres, largement majoritaires chez les « évalués », attendent de l’évaluation qu’elle serve d’abord et avant tout à l’amélioration des pratiques (individuelles ou collectives). Cette
tension, tout autant (et peut-être plus) que les difficultés passées entre organismes et universités, est une des sources de la complexité du problème.

De longs échanges ont eu lieu, entre autres, sur les façons :

(i) de rebâtir une confiance de la communauté scientifique envers son système d’évaluation,

(ii) d’alléger un processus trop bureaucratique et chronophage (où certains finissent par passer plus de temps à évaluer et être évalués qu’à enseigner ou produire des connaissances – mais les pratiques de l’AERES ne sont ici pas seules en cause, car s’y ajoutent les effets de la politique « tout projet » du précédent gouvernement -),

(iii) de rapprocher l’évaluation des personnels et de leurs unités de recherche (tant il est vrai que la qualité scientifique des secondes ne peut s’apprécier durablement sans celle des premières) à travers une meilleure articulation entre l’évaluation ponctuelle et son suivi dans la durée,

(iv) de privilégier le jugement qualitatif sur les indicateurs et notations (source de conformisme intellectuel).

Tout cela a conduit M. le député Le Déaut, tout à la fois membre du Copil et chargé d’une mission spéciale de préparation à la traduction législative de ces débats, de proposer une nouvelle structure en charge de l’évaluation, avec des missions reprécisées. Pour répondre aux interrogations qui persistent, il restera certainement des points à préciser, et cela devra l’être au niveau du décret. Il s’agit en particulier de précisions sur les modalités de décision en cas divergence d’appréciation entre tutelles diverses et la nouvelle structure nationale, de garanties concernant la présence de représentants des autres instances nationales d’évaluation (type CoNRS) dans les comités de visite, de mettre fin à la pratique de notation des unités (aux effets délétères reconnus), etc …

Mais ce qui me parait clair, c’est que ce n’est pas, dans le contexte actuel, par un retour à la case AERES, apparemment défendu par certains parlementaires de la majorité, que l’on répondrait tout autant aux nécessités d’une évaluation qui remplisse l’ensemble de ses objectifs qu’à l’effort plus général de construire un paysage apaisé pour l’enseignement supérieur et la recherche.

Le président de l’AERES appuie sa défense de l’agence dans principalement deux directions. D’une part que celle-ci aurait « évolué », lui permettant donc d’assumer une tâche d’évaluation qui serait reprécisée par la loi ; et d’autre part une reconnaissance internationale présentée comme éminente. En réalité, l’AERES, largement sourde aux nombreuses critiques depuis sa fondation, n’a eu qu’une évolution cosmétique; l’audition de l’agence le 29 août 2012 par le Copil a surtout montré une agence technocrate, pleine de certitudes et largement coupée de la réalité vécue par celles et ceux qu’elle évalue. Quant aux aspects internationaux, l’AERES n’est pas aujourd’hui un « modèle » que l’ensemble des pays développés souhaiterait imiter, loin s’en faut. Certes, au conseil de l’AERES de décembre 2012, il a été fait état d’un fort intérêt de l’Arabie Saoudite, pays certainement en pointe sur le terrain de l’indépendance académique …

Est-il envisageable, et encore temps, que nos parlementaires s’informent auprès de membres du Copil, restés à l’écart de tout le processus post-assises, pour peut-être compléter leur connaissance de ce sujet important ?

Rémy Mosseri

Directeur de recherche au CNRS

Membre du comité de pilotage des Assises de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

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