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Études féministes et recherches de genre

VRS31 mars 2014

Comment le genre est-il actuellement pris en compte dans les enseignements et dans la recherche, en France ? Conçu par l’Association nationale des études féministes (ANEF), cet ouvrage propose un état des lieux des études de genre. Il interpelle les pouvoirs publics en préconisant une meilleure visibilité des cursus qui intègrent ces études et en proposant des solutions novatrices pour l’égalité femme – homme dans les métiers de l’ESR.
Article publié dans la rubrique « Hors Champ » de la VRS n° 396, mars 2014
https://sncs.fr/VRS-no-396-04-2014


Françoise Picq, docteure en science politique, Paris-Dauphine, CNRS-IRISSO, pôle genre
Sylvie Cromer, maîtresse de conférence en sociologie, Droits et Perspectives du Droit, université de Lille 2, chercheuse associée à l’Ined

L’ANEF
Fondée en 1989, l’Association nationale des études féministes (ANEF) regroupe des
enseignantes, des chercheuses, des étudiantes et des femmes travaillant hors des
institutions académiques, qui effectuent, dans diverses disciplines, des recherches
et des enseignements féministes ou sur le genre. Elle a pour objectif d’oeuvrer
au développement des études féministes, d’en favoriser la diffusion en France et
à l’étranger par le moyen de colloques, publications, recensements d’activités…,
d’agir pour accroître la visibilité et la présence de ces études dans l’enseignement,
la formation et la recherche, de défendre les intérêts professionnels de celles qui
conduisent ces travaux et de lutter contre les discriminations sexistes.

www.anef.org

Le livre blanc de l’Anef
Le premier travail sur le genre dans l’enseignement supérieur et la recherche date d’il y a 30 ans, avec le colloque de Toulouse organisé en 1982. En effet, à l’occasion du colloque national sur la recherche, sous l’égide de Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de la Recherche et de l’industrie,de nombreuses femmes chercheuses s’étaient élevées contre la vision masculine de ce colloque et ont réussi à se faire entendre ![1] Et le syndicat national des chercheurs avait d’ailleurs joué un rôle important dans l’organisation de ce colloque, via sa commission femmes[2].
À plusieurs reprises, des états des lieux ont été dressés, mais pour cette publication, le service du Droit des femmes du ministère a été un vrai incitateur notamment par d’importants financements. La nouveauté de cette édition 2014, fruit de plusieurs années de travail et de réflexion, réside dans le fait qu’au-delà de l’état des lieux et des dénonciations, elle fait des propositions stratégiques et concrètes.
En effet, pour les vingt ans de l’ANEF, en 2009, plusieurs groupes de recherche sur le genre ainsi que des associations se sont réunis afin d’envisager des perspectives communes pour consolider l’institutionnalisation des études féministes et ainsi favoriser l’égalité réelle entre les sexes dans la société, y compris dans l’enseignement supérieur et la recherche.
L’installation progressive des études de genre dans le paysage universitaire français
On peut parler d’une bagarre permanente, même si les études de genre sont mieux acceptées maintenant. À l’exception de rares moments, comme en 1982, lorsque Maurice Godelier, alors directeur des Sciences de l’Homme au CNRS, avait proposé une ATP (action thématique programmée) qui a permis de financer nombre de recherches les revendications de l’ANEF ont été très peu entendues.
Aujourd’hui il existe quand même à Toulouse ou à Lyon des cursus complets consacrés au genre. Ailleurs en Europe il y en a beaucoup plus, comme par exemple en Allemagne ou dans les pays nordiques.
« Graves inégalités hommes-femmes dans la recherche mondiale »[3]
Les inégalités s’observent dans tous les pays mais elles ne sont pas les mêmes selon les pays.
Sur les inégalités professionnelles dans le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’ouvrage reprend les chiffres du ministère de l’ESR, notamment sur la répartition femmes-hommes par disciplines et par statut.

L' »effet Matilda », théorie des désavantages cumulés[4]
Parmi les dynamiques sociales dans les sciences, l’espace scientifique est stratifié. Les sociologues montrent qu’il existe un effet de Saint Matthieu caractérisant les avantages cumulés : « plus un scientifique est reconnu, plus il tend à recevoir de reconnaissance ».
De même, le prestige de l’institution d’appartenance conduit à un effet de trajectoire ou effet de halo. Ces deux mécanismes conduisent à la constitution et la reproduction d’une élite.
Pour les femmes, la théorie des désavantages cumulés ou effet Matilda « souligne le phénomène inverse qui frappe les chercheuses », moins incitées, moins soutenues ou reconnues, indépendamment des poncifs de la dissymétrie des charges familiales, qui n’influe pas sur la productivité scientifique de manière significative.

En France : de nouvelles dispositions législatives porteuses d’espoir ?
Les dispositions législatives, dont les deux termes clés sont « parité » et « lutte contre les stéréotypes », nécessitent une impulsion active des pouvoirs publics. Elles risquent de rester incantatoires si une application concrète, exigeant des moyens et des sanctions ne sont pas envisagées et prises.
Ainsi, la nomination d’un.e « référent.e égalité » dans une université risque d’être une annonce cosmétique si la personne n’est pas formée, n’a pas de missions détaillées, de fonction précise, des moyens (notamment sous forme de décharge), des indicateurs d’évaluation et si une communication sur cette nouvelle fonction n’est pas effectuée en direction des personnels et des usager.es de l’université.
Dans un monde avec des hiérarchies aussi complexes, il est particulièrement important de donner une visibilité aux femmes de sciences, montrer qu’elles peuvent jouer plusieurs rôles. Pour cela il faut diversifier les représentations qui circulent dans les matériels pédagogiques. Par exemple, montrer les femmes qui ont été mathématiciennes ou informaticiennes pour que les élèves se disent que c’est possible ![5] ■

[1] Voir la série de vidéos du colloque « Femmes, féminisme, recherches, 30 après » : http://bit.ly/1hOOTpp
[2] La Recherche des femmes, ouvrage collectif, SNCS, 1981
[3] En décembre 2013, le blog du Monde « Passeur de sciences » publie un article sur les « graves inégalités hommes-femmes dans la recherche mondiale ». Ce papier fait référence à une étude menée aux États-Unis sur un échantillon de chercheurs à qui de faux CV ont été envoyés pour un même poste. C’est un test classique, mais il a révélé une fois de plus que, à compétences égales, les hommes ont la préférence des recruteurs, y compris pour des postes de chercheurs.
[4] D. Vinck, Sciences et société, Sociologie du travail scientifique, Coll. U Sociologie, 2007, éd. A. Colin
[5] Voir l’étude sur les manuels scolaires réalisée par le centre Hubertine Auclert :
http://www.centre-hubertine-auclert.fr/publications#manuels



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