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État, régions : qui doit orienter la recherche ? SNCS-Hebdo 12 n°11 du 6 septembre 2012.

mmSNCS-FSU6 septembre 2012

Patrick Monfort, secrétaire général du SNCS-FSU

Une nouvelle dynamique doit être donnée à la recherche, sous peine de voir nos laboratoires se résigner à ce que la participation financière de leurs tutelles (organismes et universités) ne tienne plus que du symbole. Nous touchons aujourd’hui au coeur des contradictions que l’actuel gouvernement doit affronter : relancer la politique industrielle, répondre aux défis énergétiques et environnementaux, assainir les dépenses publiques et … gérer l’héritage d’années récentes particulièrement calamiteuses. Cet héritage se caractérise notamment par une multiplication des voies de financement et un empilement de strates administratives qui rendent le système français de recherche publique totalement illisible pour n’importe quel observateur étranger. Dans la simplification demandée, il est indispensable de définir exactement le rôle des régions et de l’État dans le soutien à la recherche, au moment où est annoncé « un nouvel acte de décentralisation ». Les organismes de recherche doivent retrouver leur mission de structuration nationale de la recherche.
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Les régions ont pris un rôle important dans le soutien financier à la recherche, en application de leur mission de soutien à l’innovation et au développement économique. Leurs budgets annuels cumulés atteignent aujourd’hui celui de l’Agence nationale de la recherche (ANR), soit 840 millions d’euros. Derrière cette somme globale, chaque région soutient différemment la recherche, en fonction de son histoire, de ses réseaux socio-économiques et de ses liens avec l’Union européenne (UE). Cependant la « culture de projet » s’est fortement implantée dans toutes les régions, qui se montrent très directives dans les règles qu’elles fixent pour répondre à leurs appels et dans l’expertise des projets.

Il est intéressant de voir que les régions aujourd’hui les plus fortes en matière de financement de la recherche sont celles où l’État a historiquement le plus investi, via ses organismes de recherche, le plus souvent pour répondre au défi posé par la construction européenne. Ce n’est qu’aujourd’hui que l’UE, via ses fonds structurels (FEDER), souhaite rattraper le retard pris par l’Arc atlantique, cette ligne qui va de l’Irlande au Portugal et qui couvre, pour la France, le Nord et le grand Ouest. On relèvera l’étrange coïncidence qui fait que ces régions sont aussi les grandes oubliées des Initiatives d’Excellence. L’État ayant perdu toute préoccupation d’aménagement du territoire – le « Grand emprunt » l’a tragiquement montré – le relais devra-t-il être pris par les régions, via les fonds européens qui leur sont alloués ?

La réponse à cette question semble déjà être donnée quand on met en parallèle l’annonce, à Paris, d’une diminution des moyens des opérateurs de l’État (dont le CNRS) et, à Bruxelles, la mise en place d’un « Pacte pour la croissance » de 120 milliards d’euros pour le partage desquels nos régions sont déjà sur les rangs.

C’est dans ce contexte que le gouvernement annonce un « nouvel acte de décentralisation » fortement souhaité par les exécutifs régionaux. Le 4 juillet dernier, l’Association des régions de France (ARF) a présenté ses propositions dans un document qui inclut « Économie et innovation / Enseignement supérieur et recherche ». Partant du constat qu’en matière de développement économique et d’innovation, les régions françaises sont loin de « disposer des moyens d’action de leurs homologues européens », l’ARF veut s’impliquer plus encore dans la gestion de ce secteur. La création d’une banque publique d’investissement qui via les régions financera « le développement des PME, le soutien aux filières d’avenir et la conversion écologique et énergétique de l’industrie » aura sans doute des effets positifs. Mais qu’en sera-t-il de la recherche?

Les paroles se veulent rassurantes : l’État conservera « la maîtrise (…) de la prospective et des stratégies nationales scientifique et technologique, ainsi que la tutelle et le financement des organismes nationaux de recherche ». Les régions se focaliseraient donc, plus encore qu’aujourd’hui, sur la recherche technologique au travers notamment des pôles de compétitivité(1) et des clusters(2). Cependant, dans sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a déclaré que seule la recherche technologique serait privilégiée dans les deux prochaines années !

L’ensemble de ces propos ne peut en vérité qu’inquiéter. Aujourd’hui les Présidents de région sont chargés d’organiser les assises territoriales de l’ESR avec les Préfets de région et les Recteurs. Dans ce contexte, les Régions ne manqueront pas de réclamer de nouvelles compétences en matière de recherche et d’enseignement supérieur. C’est une tendance à laquelle le SNCS est opposé.

Le SNCS propose au contraire de rendre aux organismes publics nationaux les moyens d’assumer leurs missions de structuration de la recherche, dans le cadre d’une politique nationale. Pour cela, les organismes doivent retrouver leurs moyens de financement, d’évaluation et de pilotage de grands programmes nationaux. Cela implique que les strates financières et administratives parasites créées ces dernières années – ANR, AERES, Alliances, IdEx, etc. – soient supprimées.

Les régions ont un rôle à jouer en qualité de partenaires des universités, des organismes de recherche et de l’État. Mais le partenariat ne doit pas se retrouver déséquilibré par le dirigisme des exécutifs locaux, au détriment d’une cause, la recherche, qui est celle de la nation toute entière. Le SNCS y veillera tout spécialement, pour promouvoir les exigences de la science et les intérêts de ceux qui s’y consacrent.


1. Les régions interviennent dans la gouvernance et la structuration des pôles de compétitivité, notamment en participant au fonctionnement des pôles et au financement des projets.

2. Les régions encouragent les PME, les centres techniques et les centres de recherche d’un secteur économique donné à se regrouper pour gagner en visibilité et en compétitivité.



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