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Du talent, un zeste d’expérience et beaucoup de jeunesse ! Portrait des futurs chargés de recherche de classe normale

mmSNCS-FSU21 décembre 2017

SNCS-Hebdo 17 n°11 du 21 décembre 2017



Fini les grades de chargé de recherche seconde et première classe, les concours chercheurs de 2018 recruteront exclusivement des chargés de classe normale. C’est une bonne nouvelle pour les lauréats dont les années prérecrutement seront mieux prises en compte, mais ce n’est pas une raison pour recruter toujours plus tard. Le SNCS appelle à conserver une proportion raisonnable entre recrutements « au plus près de la thèse » (majoritaires) et recrutements de chercheurs aux parcours plus longs et atypiques.

Cet appel concerne les membres des sections et commissions appelés à former les jurys des concours de recrutement ainsi que les directions d’organismes. Mais il interpelle plus généralement la communauté sur la question de l’emploi scientifique. La tendance au recrutement de plus en plus tardif est une composante de la dégradation de nos métiers et de la crise de l’emploi scientifique.

Dimitri Peaucelle, membre du Bureau national du SNCS-FSU



Pour comprendre les enjeux, rappelons la situation antérieure. Il y avait deux grades de recrutement de chargés de recherche (CR2 et CR1) et il y avait autrefois des règles limitant les candidatures des chercheurs aux parcours longs (limite d’âge à 31 ans pour le concours CR2 et limite à au plus trois candidatures CR1). Au fil des ans ces limitations ont évolué avant de disparaître en 2005. Néanmoins, demeurait le principe de deux grades, l’un pour les candidats “jeunes” (CR2), l’autre pour les candidats ayant bourlingué après la thèse (CR1). Demeurait également la règle que le nombre des postes ouverts aux concours CR1 ne devait pas dépasser le tiers du nombre total de postes ouverts aux concours CR [1]. Depuis l’abolition des limitations sur les candidatures, l’âge moyen de recrutement a nettement augmenté [2]. Si certains y voient un lien de cause à effet, il convient de noter que dans le même temps le nombre de postes aux concours des chargés de recherche s’est significativement contracté, de 400 en 2007 à moins de 300 aujourd’hui au CNRS, de 93 à 60 entre 2007 et 2016 à l’Inserm, de 32 à 15 entre 2004 et 2016 à l’IRD. La situation est également critique dans les autres organismes, pire encore dans les universités. L’ANR et les autres sources de financement sur appels à projets ont provoqué une hausse significative de la précarité des chercheurs en début de carrière. Avec aussi peu de postes ouverts au concours et autant de précaires il est même étonnant que l’âge de recrutement n’ait pas explosé ! Qu’en sera-t-il maintenant que la distinction entre CR2 et CR1 a définitivement disparu ?

Les sections du Comité national et les CSS ou CE des EPST impliquées dans le recrutement jusqu’à la phase d’admissibilité, ainsi que les directions des EPST qui ont la main sur l’admission, doivent garder l’objectif d’un recrutement majoritairement au plus près de la thèse [3]. Les raisons sont multiples. On trouve l’argument de compétitivité qui dit qu’aujourd’hui le système de l’enseignement supérieur et de recherche français ne peut suivre ses compétiteurs internationaux en termes de salaires. Son avantage compétitif est de proposer des postes permanents très tôt dans la carrière. Ceci est une réalité (et c’est malheureux pour nos rémunérations). Mais plus fondamentalement, les métiers de la recherche méritent-ils d’être aussi mal considérés au point que les collègues enchainent contrats sur contrats sans débouchés clairs ? N’est-on pas en mesure de reconnaître tôt (si aux alentours de 28-30 ans on peut encore appeler ça « tôt » …) la qualité des candidats ? Repousser l’âge de recrutement c’est céder à des modes de sélection qui privilégient des critères quantitatifs hétéroclites : nombre de publications, de citations sans savoir par qui ni pourquoi, indices en tous genres, nombre de lignes sur les CV … Recruter après des années de recherches orientées, sur des projets soumis par d’autres, c’est nier les qualités d’autonomie, de créativité et d’originalité attendues des chercheurs. Si nous sommes attachés au statut de chercheur fonctionnaire à temps plein c’est parce qu’il est le meilleur pour mener une activité scientifique réellement novatrice, qui puisse s’inscrire dans la durée. Ce statut ne doit pas être dévoyé vers une récompense aux plus résistants dans des épreuves de mobilité, de précarité et d’adaptation. Il doit être accessible dès après la thèse pour, d’abord, attirer les meilleurs et leur permettre de mener au plus vite une activité pleine et entière de recherche.

Alors doit-on ne recruter que des « jeunes » ? Bien sûr que non. Les parcours post-thèse ne conduisent pas à la médiocrité et des chercheurs de grande qualité ont eu des parcours originaux et riches dont la recherche française a grand besoin. Ce constat est globalement partagé au sein du Comité national. On peut ainsi constater que nombre de sections du Comité national ont inscrit dans leurs critères [4] que les évaluations des projets des candidats seront modulées « selon l’expérience de recherche (qu’elle corresponde essentiellement à la thèse ou majoritairement à un parcours postdoctoral) ». Les proportions de recrutements selon ces deux catégories différeront d’un champ scientifique à l’autre et en fonction des candidats, mais le plafond actuel d’un tiers de recrutement plus tardifs doit être maintenu. Si on y parvient, une partie de ce qui fait l’essence et la spécificité du recrutement sur statut de chercheur dans les organismes de recherche sera préservé.

Demeurera cependant la nécessité de mener une autre bataille, celle de l’emploi scientifique au sens large, pour plus de recrutements fermes et moins de précarité.




[1] En 2017 le CNRS a recruté 209 CR2 et 77 CR1 soit un taux de 27% de CR1. La limite de 1/3 de CR1 est globalement respectée dans toutes les disciplines, hormis des dérogations pour les disciplines de la recherche biologique et médicale, en particulier pour l’Inserm qui pouvait recruter jusqu’à 60% de CR1.

[2] De 30 ans en 2005 à 32,8 ans en 2016 pour les recrutés CR2 au CNRS. De 32,5 ans en 2007 à 35,1 ans pour les candidats CR2 à l’Inserm, sachant que l’âge moyen des recrutés CR2 est de 34,6 ans en 2016. De 31 ans en 2014 à 32 ans en 2016 pour les CR2 recrutés à Inria. De 31,8 ans en 2004 à 32,5 ans en 2016 pour les CR2 recrutés à l’IRD.

[3] La thèse n’étant d’ailleurs pas statutairement nécessaire pour pouvoir se présenter au concours.

[4] http://www.cnrs.fr/comitenational/evaluation/CritEval.htm



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