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Déclaration des élus au Conseil d’administration du CNRS sur les ComUÉ

VRS27 juin 2014

[|Conseil d’administration du CNRS 26 juin 2014|]

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Malgré tous les appels lancés contre des regroupements bâtis dans la
précipitation, les conseils d’administration des EPST, dont le présent
conseil d’administration du CNRS, sont invités à approuver d’urgence les statuts de communautés d’universités et d’établissements (ComUÉ) dont les EPST sont appelés à devenir membres.

Les élus au CA du CNRS ont déjà fait part, lors du précédent conseil le 25 mars, des inquiétudes que ces projets suscitent chez les personnels.
L’urgence que le gouvernement attache à ces regroupements ne peut avoir qu’une motivation : abattre tous les obstacles à des mutualisations, redéploiements et restructurations qui permettront de continuer à diminuer le nombre d’agents tout en augmentant la charge de travail de chacun.
Auditionnée par la commission des Finances du Sénat, le 4 juin; G. Fioraso indique que « la stabilisation du budget de l’ESR implique de réaliser 1,6 G€ d’économies sur 2015-2017 ». Cette déclaration est un aveu : l’objectif n’est, en compactant les établissements d’ESR, que de réduire encore la contribution du budget de l’État à l’enseignement supérieur et à la recherche, ce qui est un véritable suicide collectif, alors que la France est déjà à la traîne en la matière.

De nombreuses instances consultatives se sont déjà prononcées contre la construction à marche forcée des ComUÉ, en particulier des comités techniques d’universités et les CT de l’INSERM et de l’INRA. Au CNRS, les représentants du personnel ont, pour dénoncer le déni de dialogue social que représentent ces projets imposés, refusés de siéger au comité technique du 13 juin dernier. Ils ont rejeté ensuite, les textes des ComUÉ à l’unanimité, lors de la nouvelle convocation du CT du 24 juin. Le CNESER, le 19 mai, avait demandé un moratoire d’un an. Des conseils d’administration d’universités, le conseil scientifique de l’INRA se sont également prononcés pour un moratoire.

En outre, l’examen sur pièces des statuts qui nous sont proposés laisse immédiatement apparaître les défauts structurels du dispositif. C’est en effet une mesure véritablement contre nature que de vouloir faire entrer des organismes nationaux, dans des structures locales. Lorsque le CNRS aura choisi les sites dont il sera « membre », l’étape suivante consistera à l’obliger à y concentrer ses moyens. Son poids dans les conseils des COMUE, une voix face à plusieurs dizaines de membres, le réduira au rôle de suiveur de politiques « de site » dont les contraintes locales feront perdre de vue les perspectives nationales. Les discours rassurants dispensés par la direction de l’établissement, selon lesquels le CNRS restera libre de sa politique, auront fait long feu.

Vouloir « participer à toutes les ComUÉ qui auront un vrai projet ambitieux et tourné vers l’international (…) on ne peut qu’espérer que toutes les ComUÉ aient cette ambition » (1), c’est se satisfaire de plaidoyers pro domo qui n’ont aucune valeur de garantie. La seule garantie de qualité, illustrée depuis 70 ans, c’est l’évaluation nationale que le CNRS, via le Comité national de la recherche scientifique, effectue. Pas d’inféodation a priori, pas de rentes de situation ! La mission d’évaluation de la recherche et de recrutement sur une base de comparaison nationale doit demeurer. Toute délégation de l’évaluation, de la politique scientifique ou, pire, du recrutement à des entités locales constituerait un recul de la recherche française, à la fois en qualité et en efficacité. D’autres modes de coopération sont possibles, tels que ceux qui existent depuis des décennies entre le CNRS et les universités. Ces modes de coopération, préservant l’autonomie de décision de chaque établissement, n’ont pas empêché le CNRS ni ses partenaires d’obtenir les succès justement décrits dans le rapport d’activité de l’établissement …

Les statuts des ComUÉ comportent aussi une régression spectaculaire des droits des personnels. D’une part l’addition d’une couche administrative supplémentaire éloigne toujours plus le niveau de décision du niveau du travail quotidien. Mais aussi : la composition prévue des conseils d’administration des ComUÉ est contraire aux longues traditions d’autogestion des universités. L’effacement de conseils élus au profit de conseils principalement nommés, composés de représentants des directions d’établissement, où les représentants élus des personnels et des usagers seront réduits à un rôle minoritaire, est une totale régression.

Ce système ne marchera pas. La structuration de la recherche doit préserver, pour les acteurs de terrain une capacité d’initiative permanente, essentielle dans un univers par nature mouvant et imprévisible. Le creuset de la recherche – le rapport des Assises de novembre 2012 insiste là-dessus – c’est le laboratoire, mobile, adaptable, tactiquement autonome. Or dans trois des quatre projets de statuts qui nous sont présentés, le mot « laboratoire » n’apparaît tout simplement nulle part (et une seule fois dans le quatrième) ! Ces statuts n’ont aucune considération pour l’élément le plus essentiel du paysage. Cela montre à quel point ces ComUÉ sont des constructions hors-sol, qui n’ont rien à dire, rien à apporter aux véritables acteurs de la recherche scientifique. Elles ne seront, au mieux, que des poids morts, au pis des instruments d’étouffement de toute originalité qui aurait encore envie de s’exprimer hors de leur pompeuse « stratégie ».

Ces raisons – déni obstiné de toute espèce de concertation, régression en matière de représentation des personnels, ignorance des réalités de la recherche et risque de dissolution, voire de disparition du CNRS dans un dispositif stérilisant pour la recherche scientifique – seraient déjà suffisantes pour voter contre les quatre projets de statuts qui nous sont proposés. Mais même sans opposition de principe aux ComUÉ comment le conseil d’administration du CNRS peut-il accepter la situation créée par l’article L718-8 du Code de l’éducation ? en effet celui-ci introduit la possibilité, pour les ComUÉ, une fois créées, de modifier ensuite sans délai leurs statuts, sans soumettre à nouveau ces modifications aux conseils d’administration des membres . « Une fois adoptés, ces statuts sont modifiés par délibération du conseil d’administration de la communauté d’universités et établissements, après un avis favorable du conseil des membres rendu à la majorité des deux tiers ».

Peu importe donc le texte des projets que nous examinons aujourd’hui. Il ne s’agit – le Code de l’éducation le dit – que d’une version initiale, dont la durée de vie est très aléatoire. Il est donc demandé aujourd’hui aux administrateurs des établissements « fondateurs », de signer un chèque en blanc. Aucun conseil d’administration responsable ne peut accepter d’abandonner ainsi ses pouvoirs dans un vote explicitement suicidaire. Le conseil d’administration de l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) ne s’y est pas trompé et a rejeté la semaine dernière le projet de statuts de la ComUÉ Sorbonne-Paris-Cité.

Le conseil d’administration du CNRS ne doit pas émettre un vote le privant de tout droit de regard ultérieur sur l’évolution d’établissements devant structurer l’enseignement supérieur et la recherche publique. Les élus demandent solennellement aux administrateurs d’opposer leur veto à cet acte d’abdication irréversible et de refuser la participation du CNRS aux ComUÉ.

À Paris, le 26 juin 2014

Les membres élus représentant les personnels du CNRS au conseil
d’administration :

Christophe Blondel, chercheur – SNCS-FSU & SNASUB-FSU
Georges Depeyrot, chercheur – UNSA RECHERCHE
Josiane Tack, ITA – SNTRS-CGT
Yannick Bourlès, ITA – SGEN-CFDT Recherche EPST


(1) Déclaration orale du président Fuchs lors de son audition au Sénat le 18 février, déjà citée le 25
mars sous sa version transcrite « nous participerons aux ComUÉ, sous réserve qu’elles adoptent un projet
scientifique ambitieux et tourné vers l’international », cf.

http://videos.senat.fr/video/videos/2014/video21712.html



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