DERNIÈRE MINUTE

Compte rendu de la réunion du CPESR à Sesimbra (16-18 mars 2006)

mmSNCS-FSU9 mai 2006

Résumé : Cette réunion s’inscrivait dans le projet TRACE (Trade Unions Anticipating Change in Europe). Financée par la communauté européenne, elle a permis la participation de syndicalistes des pays européens de l’Est, habituellement absents : leur présence a mis en lumière la fascination exercée par le modèle libéral anglo-saxon face à la « vieille » Europe sociale. Les universités qui font payer des frais d’admission ou qui reçoivent des fonds privés peuvent être soumises à la directive Bolkestein sur les services en raison de l’aspect économique. Les libertés académiques sont menacées par l’impact des lois antiterroristes et le contrôle des instances par le privé qui marginalise la composante élue. Trois des 6 scenarii de l’OCDE (Annexe B) prévoient qu’à l’avenir, la recherche sera de plus en plus déconnectée des universités, lesquelles finissent par disparaître au scénario 6.
Une question centrale a été celle de la mobilité i) des étudiants (processus de Bologne avec l’harmonisation des diplômes délivrés par les universités) et ii) des travailleurs (élaboration d’un futur cadre européen de « certifications » professionnelles validées par des organismes lucratifs extérieurs aux systèmes éducatifs nationaux (cf. les analogies « troublantes » avec les 6 scénarios pour l’école en 2020 de l’OCDE reportés en Annexe A).
Pour le CSEE (qui est rattaché à la CES), les aspects « pervers » de la globalisation – délocalisation, « brain-drain » – étant inévitables, il faut donc chercher à en amoindrir les effets et développer des politiques d’accompagnement comme la portabilité des droits sociaux.
Le SNCS devrait approfondir ses analyses sur cette question de la mobilité et réaffirmer des mobilités voulues mais sans précarité : si les « mobstacles » (obstacles institutionnels à la réalisation de mobilité personnelle thématique, géographique, etc.) doivent être levés, il faut aussi bien voir que cette aspiration à la mobilité est instrumentalisée pour instituer une mobilité mercantile (« brain-drain » Sud-Nord et Est-Ouest des post-docts) associée à une immigration sélectivement « choisie » (cf. loi Sarkosi). Ces mobilités peuvent être déstructurantes (création destructrice de liens sociaux) pour les « meilleurs » qui « choisissent » des situations plus enviables au Nord et à l’Ouest. Mais elles sont surtout déstabilisatrices pour les personnels des institutions des pays du Sud et de l’Est qui ont choisi de rester « vivre et travailler au pays ». Comment s’opposer à ce « brain-drain », cette soi-disant « main invisible du marché » qui n’est qu’une offre publique d’emploi (OPE) des pays « riches » spoliant les pays pauvres de leurs « meilleurs » éléments? A l’image de la France, il faudrait généraliser à tous les pays européens les demandes d’augmentation d’emplois pérennes (titulaires ou CDI) et des % du PIB consacrés à la recherche fondamentale publique. C’est seulement ainsi qu’on pourra faire revenir au Sud et à l’Est les post-docts respectivement expatriés au Nord et à l’Ouest en créant le « brain-drain » inverse souhaité par les syndicalistes européens de l’Est. Encore ne faut-il pas le limiter à un seul pays (la France) car sinon les post-docts européens seront mis en concurrence avec les post-docts français, sans contrepartie équivalente pour ces derniers dans les autres pays européens. Le SNCS ne devrait-il pas s’adresser aux autres syndicats européens via le CPESR pour que des postes pérennes en nombre suffisant soient créés dans tous les pays européens, associés à une limitation drastique du temps passé par les post-docts en CDD ?

1. Compte-rendu de la V conférence sur l’Enseignement Sup et la Recherche organisée début décembre 2005 à Melbourne par l’IE : 90 délégués de 46 syndicats issus de 33 pays (dont J. H. Cohen du SNES : pour mémoire le SNESup étant adhérent à la FISE, la FSU ne peut adhérer au CPESR car double affiliation refusée), soit une participation plus importante qu’à la IV conférence qui avait lieu au Sénégal en 2003. Des syndicats du supérieur du Kenya, Mexique, Nicaragua ont demandé leur affiliation à l’IE. A signaler que des pays africains (Tunisie, Sénégal) vont adopter le processus de Bologne, ce qui illustre son « attractivité ».

· « fuite » des cerveaux (Paul Benett et M. Fouilhoux): suite au V congres mondial de l’IE à Porto Alegre et en vue de la conf. « Brain drain in a globalized work » organisée à Londres le 23 mars 2006, suite aux études conjointes de l’IE et de l’UNESCO dans les pays africains (50.000 PhDs africains sont expatriés dans les pays du Nord qui bénéficient du « brain gain ») : le respect du droit de migration doit être contrebalancé par un remboursement des pays « fournisseurs » de matière grise s’il n’y a pas retour au pays d’origine … Mais le « brain drain » joue aussi d’une part entre l’UE et les USA (en 2004, 400.000 européens travaillaient en R&D aux US d’après l’UNESCO : la richesse de la recherche outre-atlantique est donc produite pour beaucoup par des européens, japonais, hindous, chinois, etc.) et aussi à l’intérieur de l’UE (mobilité, délocalisation des entreprises de R&D vers l’Est, directive Bolkestein toilettée). Mais si les USA attirent les cerveaux c’est surtout à cause des conditions de travail et des moyens affectés à la recherche (3% du PIB). Il en est de même dans les pays nordiques (Suède à 4% du PIB) mais avec en plus l’attractivité du modèle social nordique.
En conclusion : rassembler des données chiffrées, collectées par les syndicats affiliés de divers pays sur la base de réponses à une enquête lancée lors de la prochaine réunion du CPESR (septembre 2006) pour préparer la réunion de l’IE à Berlin en 2007.
· libertés académiques : Kari (de Finlande) rend compte de l’enquête qui révèle l’émergence de faits inquiétants (en plus des clauses de confidentialité déjà existantes dans la publication des travaux scientifiques réalisés avec des boites privées) : interdiction faite à des chercheurs de publier leurs travaux au prétexte que 2 chercheurs iraniens y ont contribué, impact des lois antiterroristes sur la liberté d’expression (enquête des TV canadiennes), restriction de la liberté d’expression (les caricatures au Danemark, menaces existant aussi en France visant à « respecter » les croyances de l’autre au nom de la tolérance), communications « politiquement » correctes qui annihilent les confrontations d’opinions (cf. « The constant gardener »), libéralisation des structures académiques avec disparition des pouvoirs de gestion des universités danoises, pénétration de représentants du privé dans les CA des universités, obligation pour les universités les plus pauvres de se couler dans les axes de recherche financés sur appel d’offres d’agences (ANR).
En conclusion, nécessité de collecter des données afin de rédiger un document.

2. Les services éducatifs et la directive Bolkestein (Martin Romer du CSEE). L’arrivée des nouveaux pays européens de l’Est a renforcé les partisans du libéralisme et de la libéralisation des services publics (fascination pour le « modèle » états-unien basé sur la compétitivité, course aux « meilleurs » profs et étudiants, etc.). Partant de ce constat, M. Rohmer a déclaré qu’il fallait « entériner » cette évolution et « offrir » de nouvelles règles aux prestataires de services dans le cadre du marché européen. En bon porte-parole de la CES, il a justifié la directive services (Bolkestein) pour « réglementer » la concurrence entre prestataires et s’est félicité de la nouvelle rédaction de l’article 16 (sur le pays d’origine) après les nombreuses discussions et conflits (votes négatifs de la France et des Pays-Bas au referendum sur le TCE) puis de l’euromanif du 16 février 2006 à Bruxelles. Inutile de dire que son intervention a été diversement appréciée. J.H. Cohen (SNES) a pu le lendemain présenter le pourquoi des luttes des lycéens, étudiants et salariés contre la précarité (CPE, CNE et la loi sur l’égalité des chances).
Une présentation plus technique a été faite ensuite pour savoir si les étages successifs (maternelle, primaire, secondaire, supérieur et formation permanente des adultes) de l’enseignement étaient couverts ou pas par la directive services suivant qu’ils entrent ou pas dans la catégorie des Services d’Intérêt Général (SIG) ou des Services Economiques d’Intérêt Général (SEIG) et sachant que chaque pays européen, en fonction de ses orientations libérales ou pas, pourra (article 1 de la directive) définir ce qu’il entend par SEIG, mais qu’en cas de conflit avec les prestataires de services, c’est la Cour de Justice qui tranchera … le plus souvent dans un sens libéral !
La seule chose claire est que les 3 premiers étages ne sont pas couverts par la directive. Par contre, les 2 autres (le supérieur et la formation continue) le sont tout en ne l’étant pas : d’une part, est affirmé le principe de la liberté pour chaque Etat qui le désire de fournir des services (ce qui exclue l’application de la directive : « not covered by freedom to provide services principle ») mais d’autre part les universités qui font payer des frais d’admission ou qui reçoivent des fonds privés tombent sous le coup de la directive en raison de l’aspect économique. C’est d’autant moins clair que l’UE n’a toujours pas donné de définition légale des SEIG . De plus, les subventions accordées par un Etat à des boites d’enseignement privé (confessionnel ou pas) peuvent constituer un frein à (ou « fausser ») la libre concurrence …
Toujours est-il que l’IE et la Fédération Européenne des Services Publics ont demandé l’exclusion totale de l’éducation (publique et privée) de la directive services, mais sans succès. Néanmoins, la décision prise le 4 avril par le Conseil européen – qui a finalement entériné le vote du Parlement européen – a consacré des reculs des libéraux sur la santé, les services sociaux et les travailleurs intérimaires.

3. Processus de Bologne et réponses à l’enquête TRACE1 sur « The Impact of privatisation and casualisation on the functioning of institutions and career development in higher education in a context of reform : towards restructuring higher education ? »: 21 réponses des syndicats affiliés de 17 pays européens qui sont consultables en ligne sur le site « First Class » de l’IE (Bureau/DO HERC/questionnaire/TRACESURVEYreport du 19 04 06) : il en ressort que le processus de Bologne (harmonisation des cursus LMD et système des ECTS – European Credit Transfer System – permettant aux étudiants de « personnaliser » leurs parcours) est perçu soit comme une conséquence de (ou une réponse à) la globalisation, soit comme un instrument des gouvernements libéraux pour libéraliser les structures et précariser les statuts (mais que prévoyait initialement le processus de Bologne et qu’en ont fait les gouvernements ?) Je suis intervenu assez longuement pour dire qu’il fallait que le CPESR adopte des revendications concrètes en prenant aussi en compte la précarité des post-docts pour qu’ils ne soient pas taillables et corvéables à merci (la mobilité n’est pas un but en soi et doit toujours résulter d’un choix volontaire, basé sur des raisons scientifiques et ne jamais découler de la compétition sur le marché du travail, une position permanente doit pouvoir être offerte à tout PhD européen dans le pays de son choix, au plus 5 à 6 ans après le début de sa thèse, soit 2 à 3 ans après la fin de la thèse, laquelle devrait être de plus reconnue par des conventions collectives signées par l’UNICE). Il faudra revenir à la charge ultérieurement car même s’il n’y a pas eu d’opposition, mes propositions n’ont pas été reprises. Un questionnaire de l’ESIB (qui regroupe 44 organisations étudiantes de 33 pays européens) sur le processus de Bologne est aussi consultable sur http://www.esib.org/. Par contre je n’y ai rien lu sur les récentes luttes contre la précarité en France.

4. Présentation d’ECOSOC (conseil ECOnomique et SOCial européen) par Mario Soares (secrétaire international de la FENPROF portugaise) : créé par le traité de Rome (1957) afin que la société civile « organisée » puisse être « consultée », c’est l’équivalent européen de notre CES (Conseil Economique et Social) avec une représentation tripartite (employeurs, travailleurs, tertiaires) : la CES (Confédération Européenne des Syndicats) est invitée à participer à toutes les réunions du groupe 2 (des travailleurs). ECOSOC, qui a des relations avec le CES et les CES régionaux, peut s’auto-saisir de certaines questions, ou être consulté par le parlement européen dans le cadre de la codécision ou être saisi par la Commission pour rendre un avis sur telle ou telle question. On est en droit de s’interroger sur l’utilité et le rôle rempli par cette structure consultative (tout comme le CES ) car n’étant même pas paritaire, les avis des travailleurs ne risquent pas d’y être majoritaires. De plus, ce sont les gouvernements qui … nomment les représentants des travailleur au groupe 2 (les 2 représentants de syndicats fantômes italiens désignés par Berlusconi n’ont pas été acceptés à siéger par le groupe 2 : ni la CGIL, ni les autres syndicats italiens n’y sont donc représentés). Pour la France, les représentants sont consultables sur le site http://www.esc.eu.int/index_fr.asp

5. Le Cadre Européen des Certifications Professionnelles (CP) : pour mémoire, cf. le document de travail de la Commission du 8 juillet 2005 (« Vers un cadre européen des certifications professionnelles pour la formation tout au long de la vie » disponible sur http://www.europa.eu.int/comm/education/policies/2010/doc/consultation_eqf_fr.pdf, synthétisé dans une récente note de CLORA appelant de ses vœux un « Espace Européen de l’Education et de la Formation … »), analysé dans une contribution de la FSU (http://actu.fsu.fr/imprimersans.php3?id_article=410&nom_site=FS) de fin 2005 puis plus détaillée dans une autre contribution de janvier 2006. Pour la FSU, il est d’abord bien difficile de positionner les titres et les diplômes français parmi la grille des 48 critères de certification comportant 8 niveaux qui vont des connaissances de base (niveau 1) au niveau doctorat (niveau 8) en passant par la « connaissance de soi » (niveau 3) ! Ces 8 niveaux de référence seraient connectés aux niveaux correspondants de chaque pays européen via un système de transfert et d’accumulation de « crédits pour la formation » (ECVTS : European Credit Vocational Transfer System) qui serait mis en place pour répondre aux besoins de reconnaissance des « qualifications » de travailleurs mobiles à travers l’Europe (la relation avec le processus de Bologne pour les niveaux 5 à 8 est évidente). Mais il est sûrement trop tôt pour chercher à « harmoniser » les CP à l’échelle européenne puisque seuls 4 pays européens ont des CP nationaux (UK, FR, Malte et ?) et 24 autres vont en définir.
Et surtout dans quel but harmoniser ?
Car pour obtenir les 48 critères, chacun de ces 8 niveaux est divisé en 6 catégories associées à des « indicateurs » (connaissances acquises, savoir faire, compétences personnelles, etc.). Ainsi, cette grille prétend évaluer non pas les qualifications sanctionnées par des diplômes – y compris la VAE (Validation des Acquis par l’Expérience) – mais les « performances », les « résultats d’apprentissage » et les « compétences personnelles » en laissant aux employeurs la responsabilité de juger des compétences « professionnelles » en l’absence de grilles de classification reconnues par les conventions collectives. Pour corser la chose, il faut savoir que la Commission Européenne s’est mise à traduire début 2005 le terme anglais de « qualification » (utilisé dans les documents officiels) par « certification » (en français) car le contenu des « qualifications » anglo-saxonnes ne correspond pas à ce que les français entendent par qualifications…. Cette « exception » culturelle française recouvre en fait une conception marchande de l’éducation et de la formation : alors qu’un diplôme renvoie à des savoirs, à des modalités d’acquisition et à une validation qui s’intègrent dans un processus éducatif, la certification renvoie plutôt à des résultats d’apprentissages, obtenus dans le cadre d’une activité professionnelle à plein temps ou en alternance et validés par des organismes lucratifs extérieurs aux systèmes éducatifs nationaux (cf. les analogies « troublantes » avec les 6 scénarios pour l’école en 2020 de l’OCDE que j’ai reportés en Annexe A).
La réunion de Sesimbra a repris certaines des critiques de la FSU contenues d’ailleurs dans la position du bureau exécutif du CSEE en date de décembre 2005, mais sans déboucher sur des choses plus précises si ce n’est de souhaiter une meilleure collaboration entre le CPESR, Eurocadres et le CSEE (des conflits latents semblent exister entre par exemple M. Fouilhoux du CPESR et M. Rohmer du CSEE qui ne consulterait pas suffisamment le CPESR dans le domaine de l’enseignement supérieur et la recherche).

6. Présentation du projet TRACE2 qui prendra le relais du précédent (cf. page 3) en juin 2006. Il s’agit d’anticiper ou à tout le moins d’accompagner des processus économiques aux conséquences néfastes pour les travailleurs et de les aider lorsqu’ils sont victimes des restructurations et délocalisations d’entreprises (portabilité des droits sociaux pour les travailleurs migrants, conséquences de la « fuite » des cerveaux, etc.) : à suivre !

7. Les lignes directrices conjointes OCDE/UNESCO : après le vote écrasant de l’UNESCO en faveur de la préservation des diversités culturelles, les USA n’ont pas voulu prendre le risque de se retrouver isolés et n’ont donc pas exigé de vote sur les lignes directrices (« guidelines ») concernant la fourniture de prestations transfrontieres de « qualité » dans le domaine de l’enseignement. Ces « guidelines » sont censées « conseiller » les gouvernements, institutions, étudiants, etc. des pays du Sud pour qu’ils s’assurent de la « qualité » des prestations qui leur sont proposées par des organismes lucratifs parfois peu scrupuleux des pays du Nord (et parfois même par des universités …). Ces « guidelines » sont consultables sur le site de « First Class » (Bureau/Do HERC/dossier other docs/guideline.eng_fra_.pdf du 15 mars 06). A noter que l’OCDE est en train de prendre le pas sur l’UNESCO concernant ces thématiques :

· Les 6 scénarios de l’OCDE sur le futur des universités (cf. Annexe B) avaient été longuement discuté à Melbourne. Ils seront de nouveau débattus lors de la prochaine conférence de l’IE (ou du CSEE) qui aura lieu fin juin 2006 en Grèce (le gouvernement grec est membre du comité sur l’attractivité – renommée « dimension extérieure » – de l’offre d’enseignement dans le cadre du processus de Bologne). A signaler qu’au Danemark, les responsables des universités ne sont plus élus par leurs pairs (libertés académiques) mais nommés par le ministère : est-ce une préfiguration des recommandations de l’OCDE ?
En conclusion, l’IE doit absolument élaborer une réponse à ces 6 scénarios de l’OCDE.

· L’AGCS et les accords commerciaux de l’OMC à HongKong : le risque est de + en + grand de subir des pressions pour supprimer les « barrières » et les réglementations nationales des enseignements des « vieux » pays qui n’ont pas encore déréglementé leur système : l’Inde est très favorable à la généralisation du mode 4 de fournitures de services (offre de « ressources » humaines transfrontieres) ; la Nouvelle Zélande et l’Australie ont constitué un groupe des « amis de l’éducation privée » qui font des offres « alléchantes » aux pays du Sud : comment s’y opposer ? Les pays (ou groupes de pays) qui se sont déjà engagés à « offrir » leur marché de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur à l’appétit de la concurrence sont au nombre de :
o 4 qui ont complètement ouvert les 4 modes : Congo, Lesotho, Sierra Leone, Jamaïque
o 4 qui ont ouvert les modes 1, 2 et 3 : Croatie, Estonie, Lituanie, Moldavie
o 6 qui ont ouvert seulement l’enseignement supérieur privé : Australie, Tchéquie, Géorgie, Suisse, Slovénie et … l’UE !
o 2 qui ont ouvert leurs Universités aux établissements d’Enseignement Supérieur à but lucratif : Costa Rica, Japon
Par ailleurs, l’OCDE envisage de définir ce qui est public de ce qui est privé !
En conclusion, il faut poursuivre l’activité de « lobbying » de l’IE auprès de l’OMC pour exclure l’éducation de l’AGCS.

8. Rapport du groupe de suivi du processus de Bologne : il a été rappelé l’existence des documents qui sont sur le site « First Class » (Bologna group/documents) et annoncé les prochaines réunions du groupe de suivi :
· Vienne 6 & 7 avril 2006 : dimension sociale et mobilité des étudiants
· Oslo 26-27 septembre 2006 : prochaine réunion du CPESR ?
· Helsinki 12-13 octobre 2006 : dimension extérieure du processus de Bologne
· Londres février 2007 : mobilité, qualifications professionnelles et « brain drain »
· A signaler aussi l’organisation prochaine d’un séminaire au Vatican (en tant qu’adhérant au processus de Bologne) sur les « valeurs » de l’enseignement …

9. Rapport du groupe de travail sur « dimension sociale et mobilité des étudiants » (débat préparatoire à la réunion de Vienne des 6 & 7 avril) : 2 problèmes identifiés :
· Le processus de Bologne devait être appliqué par les gouvernements et les ministères de l’Education : ils s’étaient engagé à supprimer 44 obstacles à la mobilité mais n’ont rien fait.
· Il existe des différences majeures entre les 45 pays européens (Est/Ouest : niveau des bourses, des salaires et des conditions de vie, données disponibles ou non, fonctionnements réels des systèmes).
Cette question de la « mobilité » a donné lieu à de nombreux échanges : je suis de nouveau intervenu pour prôner des mobilités volontaires, choisies et non subies, d’autant plus aisées que la stabilité de l’emploi sur un poste permanent les permet. Ont été évoqué : le « brain drain » en Croatie (de nombreux professeurs s’étant expatriés à l’Ouest, il n’y a plus assez d’enseignant pour encadrer les étudiants et leur charge de travail s’est alourdie au détriment de leurs travaux de recherche), la mobilité oui mais à condition de retourner au pays (comme c’est le cas pour les étudiants chinois), comment équilibrer les échanges (de l’UK vers l’Espagne ou de l’Autriche vers l’Allemagne ou l’Italie et pas seulement l’inverse), comment favoriser la mobilité vers des pays qui sont considérés par les étudiants comme moins intéressants pour leur déroulement professionnel ultérieur (CV, compétences acquises, etc.).

10. Samedi 18 mars matin : après réunions en 3 ateliers (mobilité, « qualifications » ou certifications professionnelles, dimension extérieure du processus de Bologne = attractivité des sites universitaires), leurs travaux ont été rapportés en séance plénière :

· Mobilité : elle n’est pas un but en soi mais contribue à approfondir les recherches et améliorer l’enseignement donné. Elle s’effectue néanmoins beaucoup plus pour des raisons de recherche que d’enseignement : il a été suggéré d’étendre la charte européenne du chercheur au personnel enseignant ! Autres idées avancées : insuffler le germe de mobilité dans l’esprit des étudiants, utiliser des stimulants fiscaux pour favoriser la mobilité tout autant que le retour au pays, mieux faire connaître le « portail » mobilité mis en place par l’UE, rédiger un manuel syndical à l’intention des personnels afin de les aider dans leur mobilité, assurer un emploi pérenne comme au CNRS pour inciter et permettre la réalisation des souhaits de mobilité, obtenir la portabilité des droits sociaux dont la retraite (réalisé au CNRS). Erikson en Suède a mis au point un système de mobilité pour ses collaborateurs qui vont travailler à travers le monde : c’est sans doute plus difficile à réaliser pour les universités qui sont plus autonomes et décentralisées.
Obstacles à la mobilité (« mobstacles ») : il y a une prime à l’immobilité dans les universités françaises car après le départ d’un enseignant, ses cours sont confiés à d’autres et la réintégration est difficile : il faut déjà chercher à favoriser la mobilité à l’intérieur de son propre pays avant de l’envisager au sein de l’Europe. Pourquoi ne pas obliger (comme en Allemagne) un MdC à changer d’université lorsqu’il est promu Prof ? Il y a aussi la question de la langue dans laquelle l’enseignant va enseigner à l’étranger.
Pour lutter contre le « brain drain » Sud ® Nord et Est ® Ouest, il faudrait attirer les enseignants en Serbie, Croatie, Pologne, etc. (développer des jumelages entre universités « riches » et « pauvres » et des solidarités au sein du corps universitaire). Pour des durées assez courtes, les échanges d’enseignants dans les 2 sens pourraient se réaliser assez facilement. Pour des durées plus longues (1 an et plus), favoriser l’échange de logements mais là encore on retrouve l’obstacle de la langue.

· Qualifications / certifications : l’accent a été mis sur l’importance de protéger la diversité des cadres nationaux, de ne pas accepter un cadre européen qui viserait à uniformiser sous prétexte d’harmoniser : un tel cadre pourrait avoir des conséquences négatives sur les conditions de travail des enseignants, certains gouvernements pouvant être tentés de l’utiliser pour les détériorer.

· « Dimension extérieure » du processus de Bologne (attractivité / coopération) : le parallèle entre compétition académique et concurrence économique a été souligné. Alors que certains proposent que le processus de Bologne puisse être avancé comme alternative aux choix libéraux proposés par les universités néo-zélandaise et australienne, d’autres pensent que ce processus rejoint la directive services et fait partie intégrante de l’AGCS.

Annexe A : les 6 scénarios pour l’école en 2020 proposés par le CERI (Centre pour la Recherche et l’Innovation dans l’enseignement) de l’OCDE, extrait (pages 76-77) du rapport mondial de l’UNESCO « Vers des sociétés du savoir ».
Ces 6 scénarios, envisagés à titre d’hypothèses prospectives pour l’école à l’horizon 2020 dans les pays industrialisés, sont regroupés par paires sous trois modèles (à partir des travaux d’Alain Michel) :

La dynamique du statu quo :
Scénario 1 Maintien de systèmes scolaires bureaucratiques et
Scénario 2 Extension du modèle de marché

Les systèmes éducatifs ne connaissent pas de changement radical mais évoluent suffisamment pour remplir correctement leurs fonctions traditionnelles et stabiliser les déséquilibres résultant des évolutions démographique, technologique et économique.
Le secteur public de l’éducation reste largement dominant, surtout dans l’enseignement primaire et secondaire. Une régulation de type bureaucratique continue à prévaloir, avec cependant davantage de décentralisation et d’autonomie des établissements et le développement de démarches d’évaluation.
Des révisions périodiques des programmes d’enseignement, l’utilisation croissante des technologies de l’information et de la communication, de nouvelles formes de partenariat avec les collectivités locales, les entreprises et les associations, une ouverture internationale croissante et le maintien de l’aide internationale dans les pays les moins avancés sont autant de facteurs qui permettent à l’école de maintenir sa place dans la société.
Les syndicats d’enseignants restent puissants mais n’obtiennent pas une revalorisation significative des salaires, ni de leur importance sociale.
Dans certains pays, cela peut conduire à une pénurie d’enseignants. Le secteur privé a tendance à accroître son importance à tous les niveaux d’enseignement, mais surtout dans l’enseignement supérieur et la formation continue des adultes.

La re scolarisation via les
Scénarios 3 et 4 : l’école publique renforcée, au centre de la société locale, nationale et internationale

L’éducation devient dans la plupart des États une priorité. Le financement public s’accroît, au niveau tant des États que des collectivités territoriales et des organisationsinternationales. L’objectif d’équité sociale favorise des politiques de discrimination positive et une plus grande autonomie des écoles pour mieux s’adapter aux spécificités locales et favoriser les innovations sur le terrain.
Le contrôle a posteriori de l’État se dote de nouveaux instruments de pilotage : amélioration des indicateurs statistiques, nouvelles procédures de contractualisation et d’évaluation, meilleure communication, gestion plus personnalisée des ressources humaines, etc.
Les écoles deviennent des organisations apprenantes dont l’importance sociale est en phase avec le développement des sociétés du savoir. Les technologies de l’information et de la communication sont de plus en plus utilisées, notamment pour un apprentissage plus actif des élèves et le travail en groupe. Les partenariats, même internationaux, se multiplient. Les établissements scolaires et universitaires renforcent leur rôle dans la formation des adultes et deviennent de véritables pôles de rayonnement culturel pour les communautés locales.
On assiste à une diversification des métiers de l’enseignement en fonction des publics. Les enseignants sont reconnus comme des professionnels à part entière : ils disposent d’un revenu attrayant, si bien que l’on peut devenir enseignant après avoir exercé d’autres métiers.
La part du secteur privé reste faible dans l’enseignement primaire, augmente un peu dans le secondaire et davantage dans le supérieur et la formation des adultes.
Les États (États centralisés ou États fédérés) demeurent l’organe essentiel de décision en matière d’éducation. Au niveau international, un vaste plan d’aide internationale est mis au point pour financer la lutte contre l’analphabétisme et l’illettrisme.

La déscolarisation et la marchandisation de l’éducation dans la société des réseaux via les
Scénario 5 (Réseaux d’apprentissage et société en réseaux) et 6 (Exode des enseignants).

On assiste à un déclin progressif mais inéluctable de l’école publique du fait de son incapacité à relever les nouveaux défis et du dépérissement des prérogatives des États.
La montée du consumérisme scolaire, lié à l’importance du diplôme pour trouver un emploi, suscite un essor du marché de l’éducation et la création de nouvelles écoles privées. Celles-ci savent se montrer innovantes mais peu intégratrices. La pression sociale et politique conduit à développer des systèmes de « chèques éducation » qui laissent cependant un libre choix entre école publique ou privée – dans ce dernier cas, les parents paient le différentiel de frais de scolarité.
La compétition entre les écoles privées stimule un marché de l’emploi des enseignants que l’on attire par des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail.
Le regroupement des élèves par communautés ethniques ou religieuses conduit à l’érosion progressive des systèmes publics nationaux d’éducation. Les inégalités régionales ou locales augmentent. Un secteur public subsiste, chargé d’accueillir en priorité les enfants des milieux défavorisés, mais l’école publique ne joue plus son rôle d’« intégrateur » social.
De nouveaux métiers apparaissent : consultants en éducation, spécialistes du tutorat à distance, concepteurs de modules multimédias, spécialistes de l’évaluation et de la validation des acquis scolaires et non scolaires, experts en communication et en mercatique de l’éducation, etc.
Au niveau international, l’aide publique au développement stagne et n’est pas suffisante pour combler les besoins. L’alphabétisme et l’illettrisme demeurent à un niveau élevé, voire progressent dans les pays les moins avancés. En revanche se développe un marché de l’enseignement supérieur et de la formation continue à distance pour une main-d’œuvre déjà qualifiée. Le fossé entre pays riches et pays pauvres s’élargit.

L’intérêt de tels scénarios est qu’ils contribuent à éclairer les enjeux des choix en matière de politique éducative. Les évolutions réelles refléteront probablement les combinaisons possibles de ces trois scénarios, variables selon les pays et les zones géographiques. Leur principale limite est qu’ils sous-estiment les risques de rupture en matière d’évolution géopolitique, technologique, économique ou sociale. (les passages en italique sont de moi et montrent que quelque soit le scénario, la part du privé dans l’enseignement supérieur, donc la marchandisation du savoir, devrait selon l’OCDE augmenter à l’avenir. LB)

Annexe B : « Elaborer des scénarios sur l’avenir des universités et de l’Enseignement supérieur : une approche internationale » par S. Vincent-Lancrin, analyste au CERI de l’OCDE (stephan.vincent-lancrin@oecd.org), publié dans Policy Futures in Education 2(2)2004 (www.wwwords;co.uk/PFIE). Là encore, 6 scénarios sont proposés : à partir du scénario 3, la recherche se déconnecte de plus en plus des universités qui finissent par disparaître au scénario 6 (les passages en italiques sont de moi, LB).

Scénario 1 : Tradition
« Les universités ressemblent pour la plupart à celles d’aujourd’hui … Elles assurent à la fois l’enseignement et la recherche, …, sans dépendance excessive par rapport au secteur privé ni une trop forte implication dans ce dernier. Les pouvoirs publics continuent … à jouer un rôle de premier plan dans le financement, la réglementation et la gestion des universités. … L’apprentissage tout au long de la vie et la cyberformation se développent en grande partie hors de la sphère de l’université. »
Ce scénario « peut sembler correspondre à la situation actuelle dans certains pays de l’OCDE, … et aussi à ce que certains pays en développement souhaitent mettre en place … Cependant, on considère souvent qu’il est devenu obsolète avec le processus de massification. L’avenir de l’université traditionnelle pourrait ainsi être très sombre …: les universités pourraient continuer d’être sous-financées et de dériver vers le modèle de l’école secondaire – les enseignants s’apparentant de plus en plus à des instituteurs (sic !). Cependant, on peut aussi avancer que ce modèle traditionnel est l’avenir de l’université, qui apparaîtra grâce au développement de différents établissements post-secondaires dont les effectifs seront réduits et plus élitistes. … » (point 46 des observations finales).

Scénario 2 : Universités commerciales
« … les universités (publiques ou privée) peuvent accéder avec une plus grande autonomie à toute une gamme de sources de financement … correspondant davantage au type mixte public-privé … la recherche est considérée comme une activité très importante et lucrative. … les universités adoptent une approche de fonctionnement orientée sur le marché sans renoncer aux valeurs universitaires de base. … le volet enseignement reste assez élitiste. En ce qui concerne l’apprentissage tout au long de la vie, il se fait dans un cadre universitaire mais dans des établissements moins prestigieux proposant uniquement l’enseignement . … »

Scénario 3 : Marché libre
« Les forces du marché sont les principaux éléments moteurs de ce scénario, le secteur tertiaire privé étant réglementé par des entreprises privées … Avec l’élargissement du choix offert aux étudiants, la concurrence pour les attirer est plus importante et les recettes générées par les frais de scolarité représentent une part plus importante du revenu global. … la majorité des étudiants et des chercheurs ne trouvant pas d’intérêt à la recherche (sic !), et refusant d’en supporter les frais (sic !), celle-ci est transférée dans les centres de recherche publique et les départements de R&D des entreprises (sic !). La recherche qui demeure dans les universités devient encore plus élitiste … La recherche est de plus en plus axée sur la demande et spécialisée et génère des rentrées importantes par le biais des droits de propriété intellectuelle. »

Scénario 4 : Apprentissage tout au long de la vie et enseignement ouvert
« Les universités se caractérisent par un accès universel pour tous les âges et par beaucoup moins de recherche. … L’essentiel de la recherche se fait hors du système d’enseignement supérieur, les meilleurs chercheurs le quittant pour rejoindre des entreprises privées, des instituts spécialisés ou les quelques universités prestigieuses qui subsistent. … »

Scénario 5 : Réseau mondial d’établissements
« Les études post-secondaires sont de plus en plus induites par la demande et en grande partie axées sur le marché. … L’offre d’apprentissage tout au long de la vie et son marché s’étendent de plus en plus, … L’essentiel de la recherche se fait hors du système de l’enseignement supérieur, et le corps enseignant des établissements fournissant principalement de l’enseignement devient moins qualifié qu’aujourd’hui mais utilise des méthodes d’enseignement plus sophistiquées. … Les droits de propriété intellectuelle portant sur un contenu ainsi que sur les méthodes d’enseignement gênèrent des rentrées élevées pour leurs propriétaires. »

Scénario 6 : Diversité de l’enseignement reconnu – disparition des universités
« Le secteur de l’enseignement tertiaire de type classique disparaît. … L’enseignement professionnel exigeant une pratique directe … est assuré au sein des entreprises par le biais d’un système d’apprentissage … ou en ligne. … L’apprentissage prend la forme d’un enseignement à distance, pour l’essentiel gratuit et non lucratif, … Les connaissances et l’expérience acquises … sont reconnues par le biais d’évaluations formelles des titres, effectuées par des organismes d’évaluation spécialisés. … si la recherche devient moins spécialisé dans certains domaines exigeant peu d’argent, comme les sciences humaines ou les mathématiques (sic !), une grande part de la recherche qui exige d’importants investissements se fait dans des centres de recherche publique (sic !) et dans les départements R&D des entreprises. »



Nous contacter

SNCS-FSU
Campus CNRS d’Ivry-sur-Seine
27 rue Paul Bert
94 200 Ivry-sur-Seine

Tel : +33 1 49 60 40 34


NOUS ECRIRE



A decouvrir


  


A voir aussi

ADHESION

ARCHIVES

AGENDA

LIENS UTILES

Aller au contenu principal