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Canada

mmSNCS-FSU5 septembre 2007

par Cécile Sabourin, Présidente de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU)


RECHERCHE UNIVERSITAIRE ET POLITIQUES PUBLIQUES
Quelques éléments d’information sur le contexte québécois, les conséquences sur les universités et les interventions de la FQPPU

Contexte québécois (et canadien)

L’éducation (dont fait partie l’enseignement supérieur) est une responsabilité provinciale en vertu de la constitution canadienne. En principe, tout ce qui relève du fonctionnement des universités est financé par des subventions du ministère responsable de l’éducation (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport ou MELS). Dans les faits, depuis 1999, le financement de l’enseignement et de la recherche universitaires se partage entre le MELS pour le fonctionnement de base et les activités d’enseignement et le Ministère du développement économique, de l’innovation et de l’exportation (MDEIE) pour la recherche. La tradition veut que gouvernement fédéral effectue des transferts directs aux gouvernements provinciaux afin que ceux-ci assument leurs responsabilité en matière d’enseignement supérieur (universités et collèges). Depuis le milieu des années ’90, il a baissé ses transferts, ce qui a accentué le problème du sous-financement des universités au Québec, comme ailleurs au Canada.

Plus spécifiquement en ce qui concerne la recherche, le gouvernement fédéral subventionne des infrastructures (constructions et équipements) et octroie des subventions aux professeurs, aux chercheurs, aux équipes de recherche, aux Chaires de recherche, le plus souvent par la voie de programmes gérés par des organismes mis sur pied à cette fin. Ces organismes distribuent ces fonds habituellement sur la base de concours. Les professeurs sont habituellement membres des jurys qui évaluent les projets de recherche et ainsi conseillent les décideurs sur l’octroi des subventions. Il n’existe pas, à notre connaissance, de portrait global de ces organismes eu égard aux divers aspects de la « gouvernance » – structures, provenance des membres de conseils d’administration, règles d’attribution des subventions, etc. – cependant il semble que l’influence directe de représentants du secteur privé soit de plus en plus présente. Sur ce sujet, il est intéressant de lire le texte Big Science, Boudary Organizations ans the Academy publié dans la revue Academic Matters du mois d’avril 2007, de L’Union des Associations de Professeurs des Universités de l’Ontario (OCUFA) (http://www.ocufa.on.ca/Academic_Matters_April_2007/big_science.pdf)

Depuis la publication du Rapport du groupe d’experts sur la commercialisation des résultats de la recherche universitaire (novembre 1999), les politiques publiques aux niveaux fédéral et québécois ont accentué des tendances déjà présentes voulant que les recherches en milieu universitaire doivent contribuer à la stratégie économique (canadienne ou québécoise selon le cas). De nombreuses modifications ont été apportées aux programmes de subventions afin de les rendre plus conformes aux orientations gouvernementales. Les modifications concernent les objectifs, les priorités en matière de thèmes et objets de recherche, les conditions et modalités d’octroi de subventions (taille et composition des équipes de recherche, etc.), les mécanismes d’évaluation tout comme la répartition des fonds attribués à chacun des programmes.

Toutes les politiques ayant une incidence sur la recherche universitaire ont été et continuent d’être revues afin d’aligner les orientations et les contributions financières des gouvernements sur les priorités économiques et sur la valorisation des retombées commerciales de la recherche. En outre, le Conseil du Trésor du Canada vient de nommer un comité afin de le conseiller au sujet du processus de transferts des laboratoires fédéraux de recherche vers le secteur privé et les universités, qu’il avait annoncé le printemps dernier. Le choix des membres du comité laisse peu de doutes sur le type de propositions à venir.

Conséquences dans les universités

Les conséquences de ces orientations politiques se font sentir dans les universités – missions d’enseignement, de recherche et de service à la collectivité -, sur la tâche professorale, sur les programmes et sur les étudiantes et les étudiants.

Il faut rappeler qu’au Québec et dans le reste du Canada les universités sont juridiquement autonomes mais fort dépendantes du gouvernement et d’autres sources pour leur financement. L’administration des universités est assumée par un conseil qui comprend des membres du corps professoral et des représentants des autres corps d’employés. Ceux-ci sont cependant très minoritaires. Les professeures et professeurs en particulier participent aussi à plusieurs instances décisionnelles et consultatives au sein des établissements. On a cependant observé au cours des dernières années une détérioration de plusieurs mécanismes de gestion collégiale en même temps que s’accentuait la bureaucratisation des processus et la compétition au détriment de la coopération. Le manque de disponibilité voire le désintéressement des professeures et professeurs se sont aussi fait sentir. Une augmentation du nombre de cadres non-académiques de même que l’embauche de personnel de la haute direction ne possédant aucune expérience antérieure du milieu universitaire semblent confirmer que l’approche managériale, calquée sur celle de l’entreprise privée, s’est graduellement installée dans toutes les sphères de la vie universitaire, en particulier les services de valorisation de la recherche (commercialisation des produits de la recherche), les partenariats public-privé, l’offre de programmes hors-campus, les bureaux de recrutement d’effectifs étudiants, notamment à l’étranger, etc.

Les programmes de subventions à l’intention des universités (infrastructures, etc.) et du corps professoral (recherche), étant de plus en plus orientés, tendent à interférer de manière insidieuse avec l’établissement des priorités institutionnelles et avec la liberté académique des professeures et professeurs. Ces conséquences rappellent les risques que font courir les financements privés sur les orientations de la recherche. Le besoin financier devant lequel tout le milieu universitaire est placé empêche parfois une forte dénonciation de ceux-ci. Au contraire, dans le cas de projets d’envergure, les médias s’emparent des annonces de subventions et les diffusent au point où il est devenu presque inconvenant de prétendre que la situation budgétaire et les déficits des universités sont devenus intenables.

Les étudiantes et étudiants des cycles supérieurs sont de plus en plus tributaires des programmes de recherche de leurs professeures ou professeurs afin de poursuivre et de terminer dans des délais requis leur doctorat ou leur maîtrise. Ce faisant, ceux-ci risquent souvent de perdre une partie de leur liberté de choix en échange d’une bourse. On voit parfois se réduire l’apprentissage de la recherche aux termes du contrat de recherche. Dans certaines disciplines, les bourses dédiées spécifiquement à des études supérieures sont largement insuffisantes pour soutenir les projets des étudiantes et étudiants.

Interventions de la FQPPU

La FQPPU est intervenue à des moments-clés lors de consultations, décisions et annonces de changements, soit verbalement ou par écrit. Les prises de position et interventions écrites sont disponibles sur le site de la FQPPU : http://fqppu.org/themes/autres-themes-enjeux/recherche.html.

Elle a aussi tenu deux colloques afin de discuter des enjeux qui entourent la recherche universitaire et son financement : en mai 2006, un colloque ayant pout thème Politique(s) et recherche universitaire et en décembre 1998, un Colloque sur la recherche et les partenariats

Plusieurs documents concernant ces colloques sont disponibles sur le site :
http://fqppu.org/bibliotheque/colloques/colloque-mai2006.html
http://fqppu.org/assets/files/colloques/journal.82.pdf

Il y a dix ans, les participants au colloque demandaient que la recherche universitaire, en particulier la recherche fondamentale, soit mieux reconnue et mieux financée. Les suites ont prouvé que les gouvernements reconnaissaient le rôle central des universités en matière de recherche mais principalement comme un instrument de leur stratégie de développement et d’innovation. Les formules mises en œuvre depuis lors ont accentué le déséquilibre entre les différents types et entre les domaines de recherche et ne correspondent nullement aux attentes qui avaient été exprimées dans le but de soutenir la recherche fondamentale et la recherche libre.

De manière générale, la FQPPU s’inquiète fortement du fait que des ministères à vocation économique soient les principaux responsables des politiques destinées à la recherche dans les universités. La décision de faire porter la responsabilité de la recherche au niveau québécois par un ministère autre que celui de l’éducation a eu lieu au moment même où les universités étaient particulièrement sous-financées pour l’accomplissement de leurs missions fondamentales d’enseignement, de recherche, de service à la collectivité.

En 2007, la FQPPU a initié avec des organisations représentant des chercheurs contractuels, agents de recherche et étudiants des cycles supérieurs une concertation afin de dénoncer les politiques publiques en matière de recherche. Cette concertation devrait se développer au cours de l’année 2007-2008. En parallèle, la FQPPU prépare pour l’automne 2008 un colloque international portant sur les valeurs et les missions des universités. Faisant suite à ses travaux sur la transformation du corps professoral et l’insertion professionnelle des recrues dans les universités, notamment sous l’influence des politiques publiques, ce colloque abordera entre autres le thème de l’avenir de la recherche universitaire.

Cécile Sabourin

Présidente de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU)

presidence@fqppu.org

septembre 2007



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