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Budget : Pécresse. Dans sa réponse à Terra Nova, la ministre aggrave son cas.

mmSNCS-FSU29 novembre 2010

Pécresse aggrave son cas







Par
Henri Audier

Sarkozy
a mis au centre de son
bilan sa « préparation de l’avenir » au travers de la
« priorité
donnée à l’enseignement supérieur et la recherche »
(ES-R) : 9
milliards de plus en 5 ans, autonomie des universités,
« réformes »,
Crédit d’impôt recherche (CIR) pour développer la recherche privée, etc.

Après
les doutes croissants sur
l’efficacité du CIR (Rapports de la Cour des comptes, rapports de
commissions
de l’Assemblée et du Sénat, etc.), on comprend la hargne de Valérie
Pécresse
(1) dans sa réponse au rapport de Terra Nova, rapport qui démontre
maintenant
que les présentations budgétaires sont de
pure propagande
(2), ce que nous disions quant à nous depuis des années.

Au-delà de sa réponse
incendiaire sur des erreurs (éventuelles ?) de détail, la
ministre
continue à mentir sur l’essentiel et, surtout, ne répond pas aux
critiques
(3-5) que nous avions formulées. Nous
maintenons que les moyens attribués à l’enseignement supérieur et la
recherche
n’ont malheureusement pas augmenté d’un iota entre 2007 et 2011.

Si Valérie
Pécresse est si sûre d’elle, et bien qu’elle accepte un débat public
devant les
journalistes et une commission d’enquête parlementaire sur la réalité
des
crédits annoncés dans chaque budget.

Pour le lecteur non
convaincu de nos dires et/ou estimant « ne rien comprendre au
budget », nous avons tenté, dans les annexes ci-dessous,
d’illustrer de
façon plus pédagogiques les tours d’illusionnistes de la ministre, et
de
mesurer les escroqueries intellectuelles sous-jacentes à 4 années
d’annonces
budgétaires sensationnelles :

– Les changements de
périmètre des crédits budgétaires de la MIRES : gonflage de
1,4 milliards.

– L’intégration d’une
partie du paiement de la retraite dans la MIRES : gonflage de
1,1
milliards.

– les Partenariats
public-privé : gonflage de 750 millions.

– Le Plan
campus : gonflage de 500 millions.

– Les suppressions de
crédits budgétaires : gonflage de plus de 860 millions.

Dans un prochain
article, l’auteur vous calculera ce qu’a réellement reçu depuis 2007
l’ES-R, et
ce qu’il aurait dû recevoir si l’engagement d’augmenter ces secteurs de
1,8
milliard par an avait été tenu.

Annexe 1 : Les
changements de périmètres pour les
crédits budgétaires

Supposez
que dans le prochain
budget 2012, le gouvernement décide de transférer une partie du coût
des
classes préparatoires (disons par exemple 2 milliards) vers
l’enseignement
supérieur, à savoir sur le budget de la MIRES (Mission
interministérielle à
l’enseignement supérieur et à la recherche, qui regroupe tous les
crédits budgétaires).
Pourquoi pas ? Cette opération, « blanche »,
ne créerait aucun
crédit supplémentaire ! mais elle
« gonflerait » pourtant artificiellement
la MIRES de 8 %.

C’est
ce qu’on appelle précisément
les « changements de périmètre ». C’est ce qui a été
fait en 2008 en
intégrant près d’un milliard de l’ANR (payée alors sur une fraction
d’un impôt
sur les sociétés) à la MIRES. Ces changements de périmètres, nous en
avons
détecté « seulement » pour 1,4 milliards entre 2007
et 2011, ce qui
diminue d’autant la prétendue croissance annoncée par la ministre (4).

« Seulement »
disons-nous,
parce que, pour contester Terra Nova qui pointe une augmentation de 22
% pour
l’enseignement privé, la ministre avoue sans le vouloir :
« Sur
l’enseignement privé : la hausse réelle des crédits de
l’enseignement
supérieur privé pour 2011 est de 4 % et non de 22 %. En effet,
l’essentiel
de la progression est dû au transfert au ministère de l’enseignement
supérieur
et de la recherche de crédits précédemment versés par le ministère de
l’éducation nationale ».

Mais
alors, mais alors, mais
alors, mais alors … Voilà encore un transfert de Crédits de paiement du
ministère de l’éducation nationale vers la Mission pour la recherche de
l’enseignement supérieur (MIRES), qui gonfle encore artificiellement la
MIRES,
sans que cela ait été signalé dans la présentation budgétaire de
Valérie
Pécresse. Transfert que nous n’avions d’ailleurs pas repéré et pas
décompté.
Donc la baisse de la MIRES, pour 2010-2011 
comme pour 2007-2011 (4) est plus forte que ce que nous
avions calculé
car nous n’avons pas pu débusquer tous ces petits
« ajustements ».

Annexe 2 : Le transfert progressif du
paiement des retraites vers les opérateurs de la MIRES 

Dans
sa réponse à Terra Nova (1),
notre illusionniste annonce « 280 M€ pour un chantier de
revalorisation
des carrières ». Mais à l’évidence Valérie n’a pas lu Pécresse
qui, dans
son PowerPoint pour la presse, annonce pour 2011, 311 M€ de plus pour
cette ligne
budgétaire (laissons de côté la petite différence AE/CP) dont 177
millions pour
payer les retraites. Non que les retraites aient été augmentées, mais
parce que
leur paiement est progressivement transféré du service ad’hoc de l’Etat
vers la
MIRES. Pourquoi pas ? Mais il s’agit là encore d’une opération
« blanche » qui représente 1,1 M€ entre 2007 et 2011
(4). Cela
abaisse d’autant la croissance réelle de la MIRES

Annexe 3 : La tromperie énorme sur les
Partenariats public-privé
(PPP)

Supposez
que vous empruntiez  cette
année 200 000 euros, remboursables en
30 ans, pour acheter un logement, vous n’auriez pas idée, pour votre
déclaration d’impôts, d’additionner votre revenu et votre emprunt.
C’est pourtant
ce qu’il se passe pour les PPP : l’Etat confie à Bouygues la
construction
d’un bâtiment, son financement, et l’Etat le rembourse pendant 20 à 30
ans
suivant les PPP signés. Donc il n’y a à décompter éventuellement que le
début
du remboursement des dettes, à savoir pour 2011 exactement 14,33
millions
d’euros d’après le jaune du budget 2011.

Bien
entendu, comme le dit
Pécresse, « lorsque l’Etat passe un contrat avec un partenaire
privé, il
s’oblige juridiquement et s’engage budgétairement. Les opérations
immobilières,
même lorsqu’elles sont de long terme, ont donc un impact budgétaire
immédiat ».
Nous allons décrypter cette phrase, où tous les mots ont été pesés pour
qu’elle
soit factuellement juste, mais trompeuse pour le lecteur.

Pour
que l’Etat s’endette
(« s’engage budgétairement »), il faut une
« autorisation
d’engagement » (AE) valable des années, mais il ne s’agit pas
d’une
dépense, d’autant que les AE non utilisées peuvent être facilement
supprimées.
Ainsi, en AE, la ministre à décompté pour les PPP qui sont, répétons-le
des
emprunts : 110 millions en 2009, 420 millions en 2010 et 230
millions en
2011 (voir le site du MESR). 760 M€ sont au total ainsi affichés comme
augmentation des moyens, alors qu’ils sont évidemment
factices : ils ne correspondent
à « un impact budgétaire immédiat », on l’a vu, que
de 14,33
millions. De plus, seule une partie infime de ces 760 M€ d’AE a été
réellement
concrétisée en PPP signés. C’est une falsification avec préméditation,
qui vise
à tromper délibérément les scientifiques, les journalistes, les
parlementaires.
Souvent avec succès !

Annexe 4 : l’esquive complémentaire du
Plan Campus.

Si votre vieil oncle,
un peu fantasque, assez autoritaire, vous dit « je t’ai
ouvert, sous mon
nom, un livret d’épargne, mais pour l’instant je garde l’argent et te
le
donnerai peut-être un jour, au moins en partie », vous pouvez
difficilement le compter dans vos ressources annuelles actuelles.

C’est le principe du
Plan Campus qui se base sur les intérêts des 3,7 milliards de la vente
d’actions EDF + ceux de 1,3 milliards venant du Grand emprunt. Dans
chaque
présentation du budget à la presse, la ministre décompte des millions
pour
atteindre les 1,8 milliard de plus par an : 157 M€ en 2009,
164 en 2010 et
270 en 2011
(voir le site du MESR). Soit un total de 591
millions €.

Si ces sommes avaient
été réellement dépensées, elles devraient apparaître comme ressources.
Mais,
comme l’avoue la ministre elle-même dans sa réponse sur le Plan campus,
« 58 chantiers vont en effet être lancés d’ici la fin de
l’année 2011 pour
accélérer le début des travaux ». En termes clairs, si des
constructions
universitaires ont eu lieu en France jusqu’à ce jour, ce n’est
éventuellement
que très marginalement grâce aux intérêts du Plan Campus. Depuis 2008,
des
centaines d’articles de presse ont emboîté le pas aux déclaration
mirifiques de
la ministre sur ce fameux Plan Campus pour apprendre aujourd’hui que,
d’ici la
fin 2011, on va « accélérer le début
de travaux ». Bilan : au moins 500 millions fictifs,
pourtant
annoncés dans les présentations annuelles du budget.

Annexe 4 : les
suppressions de crédits prévues dès
l’annonce du budget

Pourtant prolixe en
communiqués de victoire, la ministre ne parle jamais des suppressions
de
crédits. Ce n’est pourtant pas rien : un total de 860 millions
depuis 2007,
en attendant les lois rectificatives de 2010 et 2011. Mais le pire est
le
manque de sincérité : dès le vote du budget, le gouvernement
met
« des crédits en réserve » qui sont à 90 % supprimés
en fin d’année.
A propos des toutes dernières coupes de 92 millions sur la recherche,
l’AEF (le
25 novembre) indique, « le gouvernement précise que les
annulations de
crédits proposées portent principalement sur des crédits devenus sans
objet. Il
s’agit principalement des crédits mis en réserve en début de
gestion ».
Donc, nouvel artifice : on gonfle de quelque pourcents le
budget, qu’on
supprime ensuite en toute discrétion.

Annexe 5 :
« L’efficacité reconnue du crédit
d’impôt »

« Un crédit
impôt recherche exclu par principe [par Terra Nova] alors même que son
efficacité est reconnue ». Efficacité reconnue, à l’exception
de la Cour
des comptes, du rapport de la commission de l’Assemblée nationale, de
celui du
Sénat, de la commission des finances de l’Assemblée unanime, de tous
les
syndicats de la recherche, du syndicat unifié des impôts, qui proposent
tous
des réformes en profondeur du CIR.

Pour le reste de la
réponse de Pécresse à Terra Nova, il faut prendre le temps de la
comparer au
texte de Terra Nova pour mesurer l’ampleur de la malhonnêteté
intellectuelle de
cette réponse.

Annexe 6 : Le
Grand emprunt : un effet
destructeur, des crédits à la Saint-Glinglin

Nous
ne reviendrons pas ici sur
l’effet dévastateur du Grand emprunt sur les structures de la recherche
et de
l’enseignement. Concernant le financement, nous avons aussi montré que
les 3,6
milliards annoncés par la ministre pour 2011 relèvent d’un triste
bluff, car
tout au plus, c’est 1,5  qui
est
« mis à la disposition » de l’ES-R par le Grand
emprunt (3). Mais le
risque est fort qu’il en aille comme du Plan Campus : vu le
calendrier
récemment annoncé, il est peu probable qu’une partie significative de
ce
milliard et demi soit utilisé en 2011.


(1)
http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/11/valérie-pécresse-réplique-à-terra-nova.html

(2) http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/11/le-budget-de-la-recherche-débuggée.html

(3) http://www.sncs.fr/article.php3?id_article=2584

(4)
http://www.sncs.fr/article.php3?id_article=2606

(5) http://www.sncs.fr/article.php3?id_article=2627





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