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Après le pilotage de la recherche, le pilotage des chercheurs. SNCS Hebdo 15 n°5 du 23 février 2015

Patrick Monfort23 février 2015

Les gouvernements successifs, depuis plus de 10 ans, ont organisé le pilotage de la recherche pour des intérêts à court terme en contournant et supprimant les prérogatives des organismes de recherche. Les crédits normalement attribués aux laboratoires ont été transférés vers une agence de financement de recherches sur projets, l’ANR. L’AERES, devenue HCERES, a privé les organismes de leur mission d’évaluation. La mise en place des Alliances a placé sous tutelle du ministère la programmation nationale de la recherche.
En conséquence, les financements des laboratoires sont devenus dépendants des seules orientations définies par les politiques, du niveau européen (programmation H2020) au niveau national (SNR qui décline les priorités européennes), les collectivités territoriales situant leur action dans une imitation dérisoire de ces « priorités » nationales et européennes qui n’ont jamais fait l’objet du moindre débat dans la communauté scientifique.
On pouvait croire qu’un tel pilotage de la recherche satisferait les politiques. Il n’en est rien, car pour répondre aux objectifs politiques d’innovation et de transfert, et à eux seuls, le projet de contrat d’objectifs CNRS-Etat 2014-2018 prétend maintenant organiser le pilotage des chercheurs.


Patrick Monfort, secrétaire général du SNCS-FSU


SNCS Hebdo 15 N°5 – PDF

Le projet de contrat d’objectifs (https://sncs.fr/Contrat-d-objectifs-entre-l-Etat) entre le CNRS et l’État, rédigé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, est actuellement soumis pour avis aux organisations syndicales qui devront s’exprimer lors du Comité technique du 25 février. Ce projet ne répond en rien à l’attente des personnels de l’établissement. Non seulement il reconnaît la baisse des effectifs statutaires de ces dernières années mais il confirme qu’elle va se poursuivre : la catastrophe de l’emploi scientifique, après avoir été annoncée par les organisations syndicales et les instances scientifiques des organismes de recherche, est maintenant programmée officiellement. Le financement des laboratoires sur subvention d’État doit continuer à décroître et le projet affirme que la seule solution pour les équipes scientifiques sera de répondre aux appels d’offre …. Le projet ne donne aucune perspective pour l’amélioration des carrières des chercheurs, des ingénieurs et des techniciens.

Le SNCS dénonce le cadre de ce contrat d’objectifs qui réduit le rôle du CNRS à la mise en œuvre de la stratégie nationale de recherche (SNR), qui oriente et pilote les recherches sur dix défis sociétaux soi-disant « majeurs », déclinés par l’Europe, repris par le gouvernement et les collectivités territoriales. Le CNRS ne serait donc plus libre de définir sa politique de recherche en termes de développement des connaissances dans tous les domaines. Sa mission se centrerait sur le transfert et l’innovation. En corollaire, les activités du CNRS devraient se soumettre aux politiques de site dictées par les COMUE, conduisant l’organisme à s’étrécir en agence de moyens.

Le projet de contrat d’objectifs réaffirme hélas l’orientation politique pour le pilotage de la recherche que nous subissons depuis plus de dix ans. Mais il y a pire : il exprime désormais la volonté politique de contraindre les chercheurs à se faire les dociles exécutants de cette orientation. Souvent, les chercheurs ont pu « contourner » les effets néfastes du pilotage, en conservant un espace de liberté dans leur activité personnelle de recherche. Aujourd’hui ce dernier espace de liberté est menacé explicitement.

Ainsi, le projet de contrat d’objectifs rappelle que « le programme européen de financement de la recherche et de l’innovation Horizon 2020 a été conçu comme un ensemble de mesures pour stimuler la croissance afin de permettre à l’Union européenne de sortir de la crise économique ». Pour cela, « dans cet environnement national, le CNRS s’organise pour mettre en œuvre sa stratégie de participation à Horizon 2020 selon trois axes : information, soutien et incitation ». Le CNRS va ainsi « encourager les chercheurs à soumettre des projets européens via des dispositifs de reconnaissance en termes de carrière, d’intéressement personnel, de fléchage de postes, d’attributions de bourses doctorales, etc ». L’essentiel est dit !

Dans le détail c’est pire : le projet de contrat d’objectifs limite la politique du CNRS, sur les sites universitaires, au renforcement des laboratoires et des thématiques de recherche qui sont localement prioritaires (p. 19). Pour les autres, il ne restera que la fermeture à court ou moyen terme. Il apparaît clairement qu’un chercheur de haut niveau, dans sa discipline, ne pourra pas rester sur le site qui ne porte pas cette discipline. Il devra aller vers le site spécialisé ou changer de thématique ! Le SNCS reçoit déjà des appels au secours de chercheurs soumis à de telles injonctions.

Comme si ce feu vert donné au pilotage ne suffisait pas, le projet donne comme mission au CNRS de contraindre les chercheurs à s’orienter plus étroitement encore vers des activités d’innovation et de transfert. Au mépris de la mission première de la recherche qui est d’accroître les connaissances sans se poser de question a priori sur leur utilité, l’innovation serait intégrée au parcours professionnel, en commençant par une formation au transfert et à l’innovation de tous les nouveaux chercheurs recrutés, puis par une formation, 4 ans après, à la création d’entreprise. Une quotité substantielle des promotions serait réservée aux chercheurs ayant des activités de transfert et d’innovation. Le SNCS ne nie pas que le transfert et l’innovation puissent être des critères d’appréciation de l’activité des chercheurs. Cependant, les sections du Comité national de la recherche scientifique doivent rester maîtresses de leurs critères d’évaluation et n’être limitées en cela par aucun contingentement.

Ce projet de contrat d’objectifs entre le CNRS et l’Etat programme la fin de la liberté de recherche. Le SNCS considère ce diktat du gouvernement comme inacceptable et demande le retrait de ce projet. Il appelle tous les chercheurs, dans les laboratoires, mais aussi ceux qui ont des responsabilités dans l’organisme (laboratoires et instituts) à examiner les orientations proposées et à réagir. Le SNCS organisera la mobilisation pour empêcher la mise sous contrainte des chercheurs.
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Patrick Monfort



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