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Adresse à la Secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche – II –

VRS23 mai 2014

Madame la Ministre,

Pour restaurer la confiance, la deuxième condition, Madame la Ministre, serait de reprendre de facto les choses telles qu’elles étaient à la fin des Assises ou au moment du rapport Le Déaut, car c’est après cela que tout a dérapé. Il convient donc de remettre les choses à plat pour négocier les initiatives à prendre.

1- S’agissant des formes de coopération entre établissements d’enseignement supérieur, dans le contexte d’oppositions virulentes qui existent entre les partisans de la fusion et ceux du statu quo, entre les défenseurs du retour aux anciennes Facultés et ceux qui souhaitent secondariser le premier cycle, entre les défenseurs des ComUE en passant par toutes les nuances des fédéralistes, deux impératifs auraient dû s’imposer au Ministère. Le premier aurait été de donner du temps au temps, afin de permettre à chaque site de trouver démocratiquement une voie majoritaire. Madame la Ministre, vous remonteriez sérieusement votre crédit si, devant les difficultés actuelles, vous repoussiez de plusieurs mois la date de dépôt des statuts comme cela est demandé par les syndicats de longue date et comme vient de le voter le CNESER, à une très forte majorité. Pour le moins, il conviendrait d’accorder les dérogations indispensables. Le deuxième impératif, pour le ministère, aurait dû être de s’abstenir d’intervenir pour influencer, voire imposer, des choix qui devraient être d’abord et surtout locaux. Il serait bien que vous donniez instruction à vos services de stopper leurs intrusions, qui sont à la fois scandaleuses et contre-productives.

2- Par contre, le principe d’une politique nationale de l’ES-R nécessite que vous fassiez respecter partout quelques principes élémentaires sur des sujets importants, dont on ne parle que trop peu. S’il est incontestable que les « regroupements » contribuent à rapprocher université et écoles, il doit être clair que les universités sont seules à pouvoir délivrer les grades et diplômes universitaires et que les écoles délivrent leurs propres diplômes, sauf en cas de co-habilitation explicite. De même, il n’est pas acceptable que des pressions de certaines écoles s’exercent auprès de quelques universités pour que soient institués des « doctorats light » pour leurs anciens élèves en quête de reconnaissance internationale, ce qui n’a aucun rapport avec la nécessité de voir plus d’élèves des écoles faire des (vraies) thèses.

3- Plusieurs regroupements en cours d’élaboration affichent le CNRS non pas comme « observateur » mais comme appartenant au cercle de leurs membres fondateurs. Ce n’est pas son rôle : le CNRS a un rôle majeur dans la conception d’une politique nationale de recherche qui ne saurait se réduire à l’addition de N politiques de site, et il exerce ce rôle au travers d’une politique contractuelle avec les établissements d’ES et leurs éventuels regroupements. Il faut donc que ce principe soit clairement partout appliqué et que le CNRS cesse d’être la cinquième roue du carrosse.

4- Plus immédiat encore est le problème des « investissements [dits] d’avenir » (PIA). Un événement positif, passé inaperçu, vient de se produire et il semble, Madame la Ministre, que vous n’y soyez pas pour rien : vous avez désormais la tutelle sur le Commissariat à ces investissements, du moins pour ceux relevant de l’ES-R. Mais cette mesure n’aura d’intérêt que si vous arrivez à convaincre le gouvernement de reverser au budget de l’ES-R les sommes du Grand emprunt qui le concerne, de supprimer les Idex et d’incorporer dans les structures normales celles découlant des Investissements d’avenir.

C’est la question centrale car, comme nous le montrerons dans la troisième partie, redéployer l’argent du Grand emprunt et anticiper une partie de son utilisation dans les toutes prochaines années est LA condition pour réaliser deux objectifs majeurs. Le premier est la mise en œuvre d’un plan pluriannuel de l’emploi scientifique. Le second est que le gouvernement négocie avec chaque site universitaire un programme d’investissements à 10 ans, sans pour autant se dédire des montants acquis par chacun par les PIA, mais en rééchelonnant certaines dettes. Rappelons que les lotos que constituent les PIA n’ont aucun sens : rien de plus stupide que d’avoir eu à choisir entre Strasbourg et Lyon, Marseille et Montpellier, Bordeaux et Grenoble, sans parler des magouilles parisiennes et l’impasse ou tout cela a conduit.

5- Un enjeu important, sur lequel vous avez la main et qui ne dépend que de la volonté politique, serait de répondre positivement à tous ceux qui attachent la plus haute importance à la recherche et à son évaluation. Votre chance, de surcroît, c’est qu’ils soient d’accord entre eux et qu’ils souscrivent entièrement à la proposition faite dans son rapport par J.Y. Le Déaut qui consiste à faire de l’évaluation par les instances d’organismes la règle : pour le nouveau Haut Conseil à l’évaluation (HCERES), il faut « que sa mission de validation [des évaluations des instances d’organismes] devienne la règle et sa mission d’évaluation devienne l’exception. » Ajoutons que l’évaluation de chaque formation de recherche devra se faire évidemment dans le cadre de ses missions et en prenant en compte les moyens dont dispose chacune, afin de reconnaître justement les travaux des équipes de taille modeste, ou rattachées à des universités moins prestigieuses, ou moins bien dotées …

Voilà, Madame la Ministre, quelques sujets qui sont « mûrs » et dont la solution détendrait considérablement l’atmosphère dans le milieu, afin d’aborder les vrais problèmes d’avenir dont je parlerai dans une prochaine partie. Il faut sortir de l’immobilisme faute de quoi n’importe quel massacreur passera pour un résistant. « C’est un retour en arrière inqualifiable. De toute évidence, à la fin du 19ème Siècle, les libertés universitaires étaient davantage garanties qu’aujourd’hui. [Je] souhaite donc savoir ce que Madame la Ministre compte entreprendre pour corriger cette grave dérive liberticide et garantir les nécessaires libertés universitaires. » Celui qui s’érige en défenseur intransigeant des libertés universitaires, c’est Patrick Hetzel, qui en fut le fossoyeur : il fut de mai 2007 à août 2008, conseiller éducation et ES-R du Premier ministre François Fillon. Il est ensuite Directeur général pour l’ES au MESR, jusqu’en 2012. Il est depuis député UMP …

Par Henri Audier



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