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15-12-05 : Programmation selon le pacte.

mmSNCS-FSU15 décembre 2005

Par Henri Edouard Audier.


Le gouvernement annonce que l’effort programmé pour la recherche est considérable et sans précédent. F. Goulart a même osé déclarer que la France serait le premier pays d’Europe à atteindre 3 % du PIB ! C’est un mensonge et une manipulation honteuse de l’opinion publique. En fait, l’engagement de 3 % du PIB pour la recherche en 2010 ne sera pas tenu, et de très loin, avec ce Pacte. Pire, jamais jusqu’ici un gouvernement n’avait osé programmer en baisse, par rapport au PIB, le financement public de la recherche et des universités.
Aucun algorithme compliqué pour le comprendre : il suffit de passer un quart d’heure avec une calculette à deux euros, et de savoir faire une « règle de trois ».

1- Les chiffres bruts de la croissance apparente du financement public de la recherche

Partons des chiffres bruts pour 2005 et 2010, pour le financement public total, donnés par « l’annexe programmation » du Pacte figurant sur le site du ministère. Il est à noter qu’aucun plan pluriannuel de l’emploi scientifique n’est proposé malgré la demande quasi unanime de la communauté scientifique.

En millions d’€ courants 2005 2010 Différence %
MIRES (budgétaire)(a) 18561 20800 2239 12%
Agences (hors AII) (b) 350 1500 1150 320 %
Dépenses fiscales 950 1700 750 79 %
Total 19861 24000 4139 + 20,8 %

Tableau 1 : les chiffres bruts du financement public de la recherche publique et privée

a) La MIRES, Mission de recherche et d’enseignement supérieur de la LOLF, correspond à l’ensemble des financements publics de la recherche (de l’ordre de 16 milliards) auquel on a rajouté 3 milliards de crédits d’Enseignement supérieur. Elle comprend 10 « programmes » allant de la recherche militaire à des composantes de grands programmes industriels et technologiques, en passant par les crédits et salaires des organismes de recherche et des universités (hors « vie étudiante »), Il est scandaleux que ces 18,56 milliards n’aient fait l’objet d’aucune programmation plus détaillée sur cinq ans. Dans ce magma, les crédits hors-salaires des EPST, de la recherche universitaire et les crédits de recherche de base des EPIC (donc hors-militaire et programmes industriels) représentent 1,5 milliard dont la moitié va aux laboratoires.

b) Les agences sont financées sur les recettes aléatoires des privatisations. Le gouvernement ne décompte pas l’Agence pour l’innovation industrielle (AII), car celle-ci dispense des prêts remboursables en cas de succès ».)

2- Les correctifs à introduire

– Pour maintenir leur pouvoir d’achat de ces financements, , il faut prendre en compte l’inflation annuelle. Pour maintenir leur part dans le PIB, il faut les augmenter proportionnellement à celui-ci. Malgré l’annonce d’une reprise de l’inflation, un taux annuel de 2 % seulement a été retenu. 2 % seulement a aussi été retenu pour la croissance du PIB, bien que 2,25 % figurent dans le projet gouvernemental de janvier 2005. 4 % pour la somme des deux indices est la moyenne des dernières années.

– C’est une manipulation grossière que de décompter les dégrèvements fiscaux pour les entreprises comme des dépenses publiques. Cela n’a jamais été fait en France, ni dans aucun pays. Les conséquences de ces sommes sont déjà décomptées dans « l’effort des entreprises ». La toute petite partie correspondant aux « donations » des entreprises au secteur public via les fondations est un moyen de plus donné au privé pour contrôler des laboratoires publics.

3- En euros constants, la vérité en face
2 % d’inflation par an cumulés sur 5 ans ramènent le montant de la MIRES en 2010 à 20800 / (1,02)5 soit 18840 millions d’€ constants (Tableau 2).
La croissance réelle est très modeste : 9,4 % en 5 ans (Tableau 2).
Hors dégrèvement d’impôts, le financement public total (recherche, enseignement supérieur et aides directes au privé), s’accroît de 6,8 % en 5 ans donc de 1,3 % par an en € constants. Plus que modeste !

Une croissance zéro du financement budgétaire. La « croissance » des financements budgétaires n’est que de 279 millions en 5 ans, soit la répercussion du coût des 3000 postes arrachés en 2006 et des mesurettes pour les jeunes et les carrières prises cette année. Au-delà de 2006, la stagnation sera donc totale en € constants. L’amélioration du nombre d’emplois statutaires, des crédits de base et des carrières ne sont pas prévus : la spectaculaire croissance de l’ANR n’est pas de l’argent en plus mais se fait au détriment de tout le reste. La croissance de l’emploi public se fera sur CDD de l’ANR, mais sans progression des débouchés ultérieurs.

En millions d’€ constants 2005 2010 Différence % en 5 ans
MIRES (budgétaire) 18561 18840 279 1.5%
Agences (hors AII) 350 1358 1008 288 %
Dépenses fiscales 950 1540 590 62 %
Total (avec dép. fiscales) 19861 21738 1877 + 9,4 %
Total (sans dép. fiscales) 18911 20198 1287 + 6,8 %

Tableau 2 : Le financement public hors inflation (avec et sans dépenses fiscales)

Même avec l’ANR, recherche publique et universités ne croissent que de 0,8 % par an.

La MIRES n’augmente pas, mais qu’en est-il si l’on prend aussi en compte le financement des labos publics par l’ANR ? En 2010, 1,3 milliard ira à l’ANR et 200 millions à l’ANVAR. En 2005, l’ANR déclare que 20 % de ses crédits sont allés au privé. L’argent des pôles de compétitivité provenant de l’ANR et de l’AII, ce taux montera à 30 % dès que les pôles seront bien lancés.
Avec la part de l’ANR allant au public, la recherche publique et l’enseignement supérieur (salaires et crédits) progressent de 4,3 % en 5 ans : 0,8 % par an en € constants (Tableau 3). Encore faut-il remarquer que c’est une moyenne, la MIRES contenant 10 programmes publics (dont plusieurs directement industriels) dont la croissance dans le budget 2006 est très contrastée, celui concernant notamment le CNRS et l’INSERM ayant la plus faible croissance.

En millions d’€ constants 2005 2010 Différence % en 5 ans
MIRES (budgétaire) 18561 18840 279 1.5%
Part publique de l’ANR 280 827 547 288 %
Total 18841 19667 826 + 4,3 %

Tableau 3 : Financement des laboratoires de la recherche publique (en € constants)

4- La part de la recherche publique diminue dans le PIB.

L’objectif réaffirmé du Pacte pour la recherche est d’atteindre 3 % du PIB en 2010 contre 2,15 % environ aujourd’hui, soit 40 % de croissance (€ constants). Tous les avis, y compris celui du Conseil économique et social, concordent pour dire qu’il est « irréaliste » de prévoir une augmentation importante du financement privé. Tout repose donc sur le financement public. Or quel que soit le périmètre pris, même dans quand on décompte les dégrèvements fiscaux, la part du financement public de la recherche dans le PIB baisse (Tableau 4). Cette baisse est forte pour le financement budgétaire des laboratoires publics et de l’enseignement supérieur.
En partant de 19,861 milliards en 2005, pour simplement maintenir leur « pouvoir d’achat », il faudrait (19,861 x 1,025 =) 21,926 milliards en 2010. Pour maintenir la part actuelle du financement public dans le PIB, il faudrait (21,926 x 1,025 =) 24,206 milliards. Pour atteindre l’objectif de 3 % du PIB, il faudrait (24,206 x 1,4 =) 33, 889 milliards en 2010, et non 24. Il ne manque que 10 milliards ! (8 si on compte l’AII).

En millions d’€ constants 2005 2005 2010 2010
Montant % du PIB Montant % du PIB
PIB (+ 2 % / an en € constants) 1710000 (a) 1888000
Fin. total avec dépenses fiscales (b) 19 861 1,16 21 738 1,15
Fin. total sans dépenses fiscales (b) 18 911 1,11 20 198 1,07
Fin.recherche publique avec ANR (c) 18 841 1,10 (d) 19 834 1,05
Fin.recherche publique sans ANR (c) 18 561 1,09 18 884 1,00

Tableau 4 : Part du financement public de la recherche dans le PIB (avec périmètres divers)

a) Extrapolé du PIB de 2004 (1648 milliards, en € constant et croissance de 2 %).; b) Montants provenant du Tableau 2 ; c) Montants tirés du Tableau 3 ; .d) Ce 1,10 % comporte en fait 0,93 % de recherche (0,65 pour la recherche universitaire et les organismes et 0,28 pour la recherche militaire et les programmes industriels) et environ 0,17 % pour l’enseignement universitaire.

5- En 2010, on sera plus près de 2 % que de 3 % du PIB consacrés à la recherche

L’avant-projet de loi pour la recherche de janvier 2005 prévoyait la même croissance du financement public et des agences que l’actuel projet de pacte. Il était aussi basé sur une prévision totalement irréaliste de la croissance du financement par le privé de sa propre recherche : près de 40 %. Pourtant, cette programmation de janvier arrivait à atteindre seulement 2,49 % du PIB en 2010 : cela est écrit et donc vérifiable par chacun. Avec une vision plus réaliste du niveau de la progression de l’effort privé, c’est entre 2,25 et 2,35 % que le Pacte programme l’effort de recherche français en 2010.

Henri Audier

Programmation_selon_le_pacte.pdf



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